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LOEB ÉDOUARD (1897-1984)

Dans ses souvenirs, rassemblés sous le titre Mon Siècle sur un fil (R. Laffont, 1982), Édouard Loeb a peint de façon très vivante la vie artistique et pittoresque de Saint-Germain-des-Prés. Lui-même était une des personnalités les plus remarquables de ce quartier où il possédait une galerie d'art. Édouard Loeb naquit à Paris en 1897. Grand, mince, naturellement élégant, il portait souvent un chapeau à large bord qui rappelait discrètement une époque où cet attribut signalait le poète ou l'artiste. Avec lui a disparu l'un des derniers survivants d'un monde dont il avait été le témoin privilégié et l'acteur, celui de l'art et de ses marchands à une époque où les galeries possédaient en abondance des Cézanne, des Picasso, des Léger, des Bonnard et où la spéculation à long terme était inconnue.

La carrière d'Édouard Loeb débuta étrangement : il fut pendant longtemps « l'autre frère », le frère jumeau de Pierre Loeb qui avait ouvert en 1924, rue Bonaparte, la galerie Pierre. Édouard, à cette époque, se rendait souvent en province pour vendre des échantillons de dentelles ; il était représentant de l'entreprise fondée par leur père, artisan juif alsacien venu s'établir à Paris lors de l'annexion allemande.

C'est donc dans le sillage de son frère, entre deux voyages, qu'Édouard participa à la vie artistique parisienne des années 1920 et 1930. En 1925, Pierre organise dans sa galerie une exposition personnelle de Miró ; la même année, la première exposition collective de peinture surréaliste consacre la galerie Pierre : peintres et poètes surréalistes s'y rencontrent et entraînent les deux frères aux soirées les plus fameuses du groupe. Cependant, ils refusèrent tous deux la dictature des idéologies en art, et ne suivirent pas toujours leur ami André Breton dans ses choix. Pierre a soutenu des peintres et des sculpteurs abstraits (Magnelli, Pevsner, Hélion, Doméla) et exposait volontiers des artistes qu'il était impossible d'enfermer dans une catégorie précise (Arp, Torres-Garcia, Balthus, Giacometti...). Édouard, prenant ses distances à l'égard du surréalisme, dénonçait dans son livre la peinture « littéraire ».

Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que Pierre s'est réfugié à Cuba, Édouard vit de courtage de tableaux. En 1945, il organise à la galerie Mai la première exposition de Bram Van Velde, tandis que Pierre, de retour d'exil, fait connaître Wifredo Lam, puis Vieira da Silva, Zao Wou-Ki, le groupe Cobra, Riopelle et d'autres. Édouard ouvre sa propre galerie en 1953 ; il y manifestera la même liberté d'esprit que son frère : diffusant les œuvres de Arp et de Max Ernst dont il est l'ami intime, il expose aussi Tinguely, Soto, Kowalski, Cardenas. Après la mort de Pierre, en 1964, pendant vingt ans encore, Édouard poursuivra son travail selon les mêmes méthodes que son frère : artisanat et amitié en art.

Une lecture croisée de leurs récits (Pierre, Voyages à travers la peinture, Bordas, 1945) fait revivre les grandes figures d'artistes et de marchands qu'ils ont connues, les fêtes folles de Montparnasse et de Saint-Germain, les misères aussi de la vie d'artiste. L'évocation par Édouard de la mort de Pascin, des ateliers de Miró et de Soutine, les pages de Pierre sur le marchand Léonce Rosenberg ruiné mais serein et lisant Platon pendant l'Occupation resteront de précieux témoignages.

Dans ses souvenirs, Édouard nous invite aussi à visiter son appartement et sa collection personnelle de tableaux et d'objets ; il accorde une large place aux arts africains et océaniens : refusant le critère traditionnel du « beau », il se soucie davantage de la « vérité » en art. En cela, Édouard Loeb comme son frère Pierre s'inscrivent dans un courant de sensibilité résolument moderne.[...]

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Écrit par

  • : docteur de troisième cycle d'histoire de l'art, journaliste, critique d'art

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