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LIMONOV ÉDOUARD V. (1943-2020)

Édouard Limonov - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

Édouard Limonov

« Pour moi, “extrémisme” n’est pas péjoratif. » Cette affirmation de l’enfant terrible des lettres soviétiques et postsoviétiques, Édouard Veniaminovitch Limonov, de son vrai nom Savenko, né le 22 février 1943 à Dzerjinsk, est caractéristique de cet écrivain prolifique, gourmet des plaisirs des sens, avide d’aventures et d’adrénaline, provocateur et iconoclaste, qui fera toute sa vie des va-et-vient entre écriture et action, littérature et politique. Se qualifiant lui-même d’Excité dans le monde des fous tranquilles, titre d’un recueil de ses chroniques pour la revue L’Idiot international (1989-1994), il n’a eu de cesse de placer son existence sous le signe du risque, puis de la transformer en littérature, comme en témoignent des ouvrages tels que L’Adolescent Savenko (1983, publié en français en 1985 sous le titre Autoportrait d’un bandit dans son adolescence) ou La Grande Époque (1987, trad. fr. 1989).

Dans ce monument hagiographique à sa propre personne, Limonov crée une image de lui-même qu’il entretient soigneusement : poète et voyou dans la banlieue de Kharkov, poète et tailleur dans l’underground littéraire moscovite de 1967 à 1974, émigré SDF puis secrétaire particulier d’un richissime Américain à New York jusqu’en 1980, écrivain reconnu par le milieu intellectuel français à Paris, et enfin homme politique, contestataire, prisonnier en Russie, où il revient définitivement en 1991. Il y crée en 1994 le Parti national-bolchevique – qui unit le brun de l’extrême droite au rouge de l’extrême gauche – rassemblant des insatisfaits de la démocratie « sauvage » qui marque les premières années postsoviétiques. Il édite un journal, combat en Croatie aux côtés des Serbes, puis en Ukraine du côté des Russes.

En 1974, lorsqu’il fut contraint d’émigrer, il ne se préoccupait pas encore de politique. Il dit vingt ans plus tard : « Je n’ai jamais protesté ni contre la politique de l’URSS ni contre l’idéologie. La seule chose pour laquelle je me suis battu, c’est pour qu’il y ait plus de libertés pour l’art. » De ces libertés, il va profiter pleinement, en se gardant de tout jugement moral et en repoussant les limites admises dans la littérature russe, restée très prude et volontiers moralisatrice. Son écriture directe, crue, simple se caractérise par son extrême franchise : il ne cache rien des besoins physiologiques et sexuels ni des fantasmes parfois violents de son alter ego fictif, qui finira par inspirer un livre à Emmanuel Carrère (Limonov, 2011).

Sexe, désespoir, satire : ces trois fondements de l’écriture de Limonov sont réunis dans son œuvre la plus connue, C’est moi, Éditchka (1977, publié en France en 1980 sous le titre Le Poète russe aime les grands noirs). Il y décrit la dérive alcoolisée de son double de papier dans New York, souffrant d’avoir perdu son pays et sa femme, et habité du sentiment de la complète inutilité d’un poète russe dans une Amérique qu’il critique férocement. L’Occident bourgeois, matérialiste, ennuyeux selon lui, sera toujours la cible de ses sarcasmes.

De retour en Russie, Limonov écrit des essais en prise directe avec l’actualité, dresse un réquisitoire contre la justice de l’époque poutinienne en décrivant ses séjours en prison au cours desquels il fraternise avec des criminels de droit commun endurcis (Mes Prisons, 2004, trad. fr. 2009), évoque dans ses ouvrages tous ceux – écrivains, politiciens, amantes – qu’il a rencontrés au cours de sa riche existence.

Limonov est devenu écrivain à une époque où l’écrivain était encore une figure prestigieuse en URSS ; il est devenu homme politique quand la littérature y avait perdu de son importance – tout en continuant à écrire. Aussi a-t-il joué un rôle essentiel jusqu’à la fin de sa vie dans l’imaginaire collectif et la culture soviétiques et postsoviétiques : il[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en littérature et culture russes, Sorbonne université

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Édouard Limonov - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

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