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CHILLIDA EDUARDO (1924-2002)

L'Espagne a donné à la sculpture les maîtres du travail du fer : Julio González, Picasso, Angel Ferrant et Chillida. Fils d'un militaire et d'une musicienne, Eduardo Chillida est né à San Sebastián en 1924, dans la baie de La Concha, lieu idéal pour donner à un sculpteur le sens de l'espace. Chillida donnait d'ailleurs à ses œuvres des titres en basque. Après des études d'architecture (1943-1946), il réalise des sculptures inspirées par la statuaire grecque étudiée au British Museum (1947) et au Louvre (1948).

Installé à Paris entre 1948 et 1951, il est frappé par le travail de Brancusi et d'Ellsworth Kelly. À l'initiative de Bernard Dorival, conservateur au musée d'Art moderne, il présente Forma au Salon de mai 1949. Repéré par Louis Clayeux, il participe à l'exposition Mains éblouies à la galerie Maeght en 1950.

En 1951, il s'installe à Hernani, près de San Sebastián, et y forge le fer, renouant par Ilarik avec les stèles mortuaires. Gaston Bachelard remarque : « Le sculpteur est devenu forgeron. » Son passage à l'abstrait, dans des œuvres au titre significatif de Musique des sphères lui vaut de participer, chez Denise René, au Premier Salon de la sculpture abstraite en 1954. Sa première exposition personnelle en France a lieu à Paris, à la galerie Maeght en 1956. Le catalogue comporte un texte de Bachelard, Le Cosmos du fer. Il découvre les poèmes d'Hölderlin et commence à réaliser dans son art cet accord majeur entre Antiquité et modernité, entre le Nord auquel appartient le Pays basque avec son climat rigoureux et ses brumes et le monde méditerranéen. L'amitié avec Braque le conduit au thème de L'Esprit des oiseaux entre 1952 et 1955. Il forge la sculpture des portes de la basilique d'Aranzazu et croise sur le chantier le sculpteur Jorge Oteiza (1908-2003) à qui l'opposera par la suite une vaine querelle de plagiat.

À partir de 1957, Chillida vit de nouveau à San Sebastián même où il installe sa forge. S'il crée en pierre le Monument à Fleming (1955), c'est son travail du fer, sa manière de qualifier le vide par l'armature des barres courbées du métal qui lui valent le grand prix de la Biennale de Venise en 1958. La série Abesti gogorra (1959-1964) traite la question de la masse et de l'abri en bois. En 1960, il se lie d'amitié avec Giacometti dont il partage le thème paradoxal du lieu clos transparent. Après un voyage en Grèce (1963), il traite la lumière dès 1965 dans des sculptures d'albâtre translucides qu'il appelle Maison de la lumière, Éloge de la lumière ou encore Éloge de l'architecture. En 1968, lui qui aimait écrire « l'espace et le temps sont frères » rencontre le philosophe Heidegger et illustre son texte Die Kunst und der Raum (1969).

En 1969, Peine del viento IV (Peigne du vent IV) est installé devant l'U.N.E.S.C.O. à Paris. Alors qu'il refusa toujours de faire des bronzes, il s'initie en 1971 au travail du béton pour accomplir une œuvre suspendue, Lieu de rencontres, tellement surprenante qu'elle ne trouvera sa place à Madrid qu'en 1978. En 1973, il fait ses premières sculptures en terre cuite chamottée (en basque, Lurrak) : grâce à ce procédé, l'argile peut être cuite à très haute température, ce qui renforce l'impression d'unité compacte et de giron maternel sur lequel le geste peut s'inscrire.

Artiste de la densité, Chillida est aussi un artiste de la ligne et de la limite. Il considère la main comme « une banque de formes » : fermée, elle fait masse, opposée à l'espace ; ouverte, elle articule plein et vide. En 1977, trois de ses Peines del viento sont fixés au rocher dans la baie de San Sebastián. Avec le Monument aux libertés basques (Vitoria), Chillida célèbre son pays natal dans une sculpture-lieu où il transcende[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Autres références

  • SCULPTURE CONTEMPORAINE

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    • 8 011 mots
    • 4 médias
    ...débarrasser de l’héritage technique et métaphysique de la sculpture européenne, qui continue par ailleurs de se renouveler dans l’art, par exemple, d’un Eduardo Chillida (1924-2002), sculpteur « forgeron », selon les mots du philosophe Gaston Bachelard, et véritable poète abstrait incarnant dans le fer,...