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ÉDUCATION L'histoire de l'éducation

Histoire scolaire et histoire générale

Cet inventaire apparemment hétéroclite est, d'ailleurs, parfaitement pertinent. Il illustre bien le changement de perspective qui a mis fin à l'isolement de l'histoire de l'éducation. Un ouvrage tel que l'Histoire générale de l'enseignement et de l'éducation en France (1982), sous la direction de L. H. Parias, en assure la démonstration de manière magistrale : l'histoire de l'éducation scolaire y apparaît comme une composante de l'histoire générale des pratiques culturelles, de la quotidienneté, de l'influence mutuelle des marches et des contremarches d'une société qui éduque comme elle vit et comme elle meurt.

L'histoire de l'éducation est ainsi marquée par des événements qui, à première vue pourraient être considérés comme étrangers à son propre cours et qui sont indissociablement des faits économiques et des faits de mentalité, donc des faits de culture. Un exemple le montrera. Il est impossible de décrire l'apparition progressive de la figure de l'« humaniste » et des nouveaux critères qu'elle impose à l'éducation sans s'intéresser d'abord aux milieux d'affaires italiens de la fin du xive siècle. C'est là que s'effectue, en particulier, la mutation de l'organisation du temps. Car le xive siècle a été le siècle de l'horloge. Cette dernière, devenue instrument de la vie publique des villes puis des États, substitue au temps des monastères et des champs le temps des affaires et des villes, temps rationalisé par l'« emploi du temps ». De la vie des affaires à la vie des écoles, s'annonce le temps nouveau de l'« agenda » : les programmes, les curriculums, la ratio studiorum, le « cours » lui-même, qui va être appelé à devenir une unité pédagogique comptable. L'officialisation de l'horloge et l'institution de son temps propre doivent faire date dans l'histoire de l'éducation, autant qu'à la même époque la publication par Gerson (1362-1428) du De parvulis ad Christum trahendis, où se trouve le célèbre plaidoyer du chancelier pour la douceur vis-à-vis des enfants. Mais cela ne veut pas dire que les réflexions de ce dernier sur l'art et la manière de catéchiser n'aient plus à être considérées comme un moment, voire comme un passage, dans l'évolution de ce qu'on appelle aujourd'hui la relation éducative.

En définitive, l'histoire de l'éducation comporte trois dimensions, le respect de chacune d'elles conditionnant le rapport de cette histoire avec son objet. Elle est d'abord investigation de l'institution des éducables, compte tenu du double versant de celle-ci, celui de l'organisation des instances éducatives, celui de l'intériorisation des manières de faire, de voir et de penser. Elle est ensuite répertoire des idées pédagogiques, ce qui l'oblige, dans une littérature hétérogène que la gravité des enjeux rend souvent polémique, à assumer l'inconfort d'un va-et-vient entre réflexion et prospective, entre constat et prescription, entre utopie et réalisme. Elle est, enfin, l'inventaire des pratiques éducatives au travers desquelles se mesure l'écart entre ce qui se dit et ce qui s'effectue, au travers desquelles on peut aussi tenter d'estimer le double jeu de l'institution des éducables : reproduire et innover, promouvoir et réprimer, affranchir et domestiquer.

— Daniel HAMELINE

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