ÉDUCATION Sociologie de l'éducation
Les acteurs et les expériences scolaires
L'éducation scolaire ne se réduit ni à l'acquisition de connaissances, ni à la distribution hiérarchique de compétences et de diplômes. En France, plus que dans d'autres pays peut-être, on attend de l'école qu'elle forme des citoyens, qu'elle accomplisse une « éducation morale » disait Émile Durkheim. L'école républicaine forgée par la IIIe République a été conçue comme une institution définissant précisément ses objectifs, ses valeurs et le rôle des maîtres et des élèves. Comme le souligne Antoine Prost, cette institution est restée extrêmement stable durant près d'un siècle. Mais aujourd'hui, la massification, la diversité des demandes sociales, le poids des médias, les transformations de la culture et de la représentation de la nation soumettent ce modèle à rude épreuve. Comment s'opère aujourd'hui l'éducation morale ?
Cette longue mutation de l'institution républicaine a plusieurs conséquences sur la socialisation des élèves qui ne peuvent plus s'appuyer sur des cadres communs et des croyances indiscutables et partagées. La relation pédagogique est fortement ébranlée et, comme le montre François Dubet, la socialisation scolaire n'est pas réductible à l'apprentissage de rôles et de « métiers » d'élève stables ; elle se constitue à travers la manière dont les individus, maîtres et élèves, construisent leur expérience singulière. Il appartient aux élèves de donner du sens à leurs études et surtout, aux enseignants de motiver leurs élèves. Pour ce qui est des élèves issus de la massification scolaire, souligne Jean-Yves Rochex, il est rare qu'ils aient été « programmés » par leur famille pour adhérer au sens des études longues dans lesquelles ils s'engagent. Il arrive souvent que la perception de l'utilité des études se délite dans les cas où leur terme professionnel apparaît incertain et lointain. De plus, l'intérêt intellectuel des élèves pour leurs études ne repose plus sur le monopole culturel de l'école « concurrencée » par les médias et les nouvelles technologies de communication. Au fur et à mesure que les études s'allongent et que tous s'y engagent, le sens de ces études est vécu comme un problème parce que les élèves doivent construire les apprentissages qui ne sont plus totalement cadrés par l'institution. Cette évolution devient la principale difficulté du métier d'enseignant quand il ne s'exerce pas dans les classes de l'élite scolaire et sociale. Depuis une quinzaine d'années, la sociologie de l'éducation s'intéresse de plus en plus à la subjectivité des acteurs afin de cerner la nature profonde du travail éducatif. Les professeurs doivent construire leur autorité, ils doivent s'engager subjectivement dans une relation pédagogique afin que les élèves s'y engagent à leur tour, comme le montrent Anne Barrère et Patrick Rayou. Comment la vocation professionnelle se transforme-t-elle en métier ? Comment se réalise le travail des enseignants ? Comment apprennent les élèves ?
Au fil des années, les recherches en éducation se sont multipliées, répondant aux intérêts des chercheurs autant qu'aux inquiétudes et aux préoccupations de la société. Les théories et les méthodes de la sociologie de l'éducation sont des plus diverses. Cependant, le champ de cette sociologie est loin d'être désorganisé et sans principe car, si les points de vue sont multiples, ses objets et ses questions se ramènent à quelques thèmes essentiels où les intérêts de connaissance le partagent au désir, plus ou moins affirmé, d'améliorer l'école. Comment se forment les grandes inégalités scolaires, à quoi sert l'école, comment fonctionne-t-elle, comment les élèves se forment-ils[...]
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Écrit par
- François DUBET : professeur des Universités, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
Médias
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