ÉDUCATION Types et fins de l'éducation
L'école et la société
Quelle que soit en effet la société considérée, l'école est d'abord conçue pour une minorité. Écoles hellénistiques pour les lettrés, écoles romaines pour les patriciens et certains plébéiens, non certes pour les esclaves (H.-I. Marrou), écoles de monastères dispersées et diverses, réservées, au hasard des implantations, à quelques privilégiés. En Europe occidentale, c'est à l'époque carolingienne que l'on observe la création d'un véritable réseau d'écoles, mais elles sont destinées avant tout aux futurs prêtres et aux futurs fonctionnaires (É. Durkheim).
Plus tard, il y eut plusieurs sortes d'écoles : petites écoles pour les moins misérables des enfants du peuple, universités non pour les seuls riches, il est vrai (P. Ariès), mais pour une infime minorité dont les riches avaient des chances particulières de faire partie. De ces universités, sont nés peu à peu les collèges, préfigurations de l'enseignement secondaire ; ils furent d'abord parallèles à l'enseignement universitaire puis y préparèrent. En France, du xvie au xviiie siècle, les collèges (de jésuites, d'oratoriens) devinrent beaucoup plus prospères que les universités et ils constituèrent une forme d'éducation dont nous avons directement hérité. Avec des institutions de niveaux différents, chacune s'adressant, selon une progression prévue, à des jeunes gens d'âge de plus en plus uniforme, mais aussi socialement prédestinés dans une société stratifiée, on approche ce qu'on peut appeler un système scolaire. Rien pourtant, sous l'Ancien Régime, ne l'unifie : les parties en sont indépendantes et développées séparément selon leur logique propre ; un enfant ne passe qu'exceptionnellement d'un type d'école à l'autre, chaque type étant supposé se suffire.
L'émergence d'un système scolaire
Le premier dans la civilisation occidentale, Comenius préconise vers le milieu du xviie siècle une école commune à tous, non seulement garçons et filles, mais enfants de toutes conditions : on décèlera mieux ceux qui sont capables de suivre l'enseignement à des degrés scolaires supérieurs, déclare-t-il, si l'on renonce à toute différenciation au cours des premières années, et si l'on fait en sorte que tous fréquentent les petites écoles. C'est là la première conception d'un système scolaire à proprement parler, puisque toute la population est concernée et qu'on marque l'interdépendance entre l'enseignement élémentaire et les autres enseignements.
En France, la Législative, puis la Convention, reprendront – sans référence à Comenius, il est vrai – l'idée d'écoles de base, communes à tous ; mais surtout elles viseront à l'institution d'une « instruction publique », fonction de l'État dont il n'avait guère été question jusqu'alors. On ne saurait exposer ici le détail des projets révolutionnaires pour l'éducation, mais on relèvera deux expressions de Condorcet dans le texte qu'il présenta au début de 1792. À propos des écoles primaires, il écrit : « On pourrait nous reprocher d'avoir trop resserré les limites de l'instruction destinée à la généralité des citoyens ; mais [...] le petit nombre des années que les enfants des familles pauvres peuvent donner à l'étude nous [a] forcé à resserrer cette première instruction dans des bornes étroites ; il sera facile de les reculer lorsque l'amélioration de l'état du peuple, la distribution plus égale des fortunes, suite nécessaire des bonnes lois [...] en auront amené le moment. » Quant aux écoles secondaires, elles sont définies d'emblée par leurs élèves : « Elles sont destinées aux enfants dont les familles peuvent se passer plus longtemps de leur travail et consacrer à leur éducation un plus grand nombre d'années. » L'« égalité de fait », que Condorcet[...]
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Écrit par
- Viviane ISAMBERT-JAMATI : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne-René-Descartes
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