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ÉDUCATION Types et fins de l'éducation

Le contenu et les modes

Éducation et stabilité

Nul ne peut affirmer qu'il existe des sociétés totalement dépourvues d'histoire ; il en est pourtant dont les changements sont si lents qu'elles apparaissent comme stables : stables à l'échelle des millénaires si l'on parle des sociétés occidentales, dans un passé récent. Élever une nouvelle génération, c'est alors essentiellement lui apprendre à reproduire les modèles humains antérieurs. Mais l'immobilité n'implique pas l'indifférenciation, et il y a le plus souvent dans les sociétés stables des éducations bien distinctes les unes des autres. Ainsi Durkheim pense à une société stable, mais différenciée, lorsqu'il définit l'éducation comme visant à « susciter et développer chez l'enfant un certain nombre d'états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné ».

En toute hypothèse, cette action comporte une socialisation morale, une socialisation technique, une socialisation intellectuelle. Dans la famille, l'enfant apprend les rôles et statuts masculins ou féminins ; il apprend aussi les types de sentiments à développer : respect pour les plus âgés, attendrissement protecteur pour les plus jeunes. Au-delà des relations internes au groupe, il apprend à révérer un premier ensemble de valeurs. Auprès de ses parents, il acquiert en outre un certain nombre de savoir-faire techniques qui dépendent de l'instrumentation existante. Enfin, dès les premières années, il structure ses démarches cognitives en fonction du langage qui lui est inculqué, du découpage des objets qui lui sont proposés par l'entourage immédiat et des liens entre eux.

C'est l'école qui réalise principalement, mais pas uniquement, la socialisation intellectuelle chez l'enfant un peu plus âgé. T. Parsons a montré que la classe scolaire est, sans même qu'on l'ait jamais exactement voulu, un modèle socialisateur : dissymétrie de la situation du maître et de celle des élèves, égalitarisme théorique des élèves, mais classement selon le mérite qui fonde peu à peu une hiérarchie sur les statuts acquis, rémunération des efforts sous forme de notes. Une classe organisée selon un système de concurrence libérale prépare en effet très directement à une vie d'adulte elle-même déterminée par des rapports de type hobbesien.

L'école réalise une part de la socialisation technique par l'exercice de la maîtrise du corps (éducation physique) et par quelques apprentissages pratiques liés à la vie quotidienne. Qu'elle tende dans les pays occidentaux à perpétuer la division traditionnelle du travail est illustré entre autres par le type de « travaux manuels » proposé dans l'enseignement général : couture pour les filles, menuiserie pour les garçons. Mais, pour la socialisation intellectuelle, elle transmet une culture dont une part est interprétation du monde extérieur et une autre maniement du langage ; pour ceux qui sont destinés aux classes élevées, ce maniement se veut particulièrement riche, raffinant très au-delà du strictement utile les modes de pensée et les sentiments. Il s'agit bien de « transmettre » lorsque parmi les moyens de cette culture on fait une place privilégiée à la connaissance et à l'admiration des hommes du passé et de leurs œuvres.

À la limite, une conception des acquisitions scolaires comme pures transmissions supposerait des enfants-réceptacles, des têtes vides à l'origine, progressivement remplies d'une somme de connaissances. Cependant, même une conception moins passive de l'être à éduquer n'est pas incompatible avec la stabilité sociale : un apprentissage d'opérations intellectuelles peut demander à l'enfant une activité tout en visant la[...]

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