MUNCH EDVARD (1863-1944)

Le vitalisme comme rédemption

Au vu de son grand œuvre, cette Frise de la vie, réduire Edvard Munch au prototype de l’artiste maudit, mortifère et anxiogène, est donc caricatural. La rétrospective consacrée au Norvégien (Edvard Munch. Un poème de vie, d’amour et de mort, Paris, musée d’Orsay, 20 sept. 2022-22 janv. 2023) a permis de découvrir un artiste beaucoup plus nuancé. À partir de 1909, quand il revient s’installer en Norvège, les états d’âme de Munch sont directement liés à une nature généreuse et préventive (Plein été II, 1915). Si Munch est bien bipolaire, son côté sombre ne doit pas faire oublier la part positive de sa psychologie. Jusqu’en 1909, son tempérament angoissé domine. Mais, dans la première moitié du xx^e siècle, en partie remis d’une dépression, ragaillardi, Munch change de visage : alors que la Norvège recouvre son indépendance en 1905 (c’est la fin de l’Union avec la Suède), Munch apparaît comme un représentant majeur du vitalisme, courant idéologique et artistique spécifique aux pays nordiques, axé sur les bienfaits de la nature sur le corps et sur l’esprit.

Finalement, la recherche d’absolu d’Edvard Munch se réalise à partir du sol natal. Sa période vitaliste, hymne aux vertus du peuple, à son histoire jusqu’à son indépendance recouvrée et à la vie humaine (individuelle et collective), est marquée par deux réalisations majeures : les fresques de la salle des fêtes de l’université d’Oslo (1909-1916), avec un immense soleil qui rayonne sur les allégories de la Chimie, de la Physique, de la Botanique et des Sciences naturelles (images concrètes du cycle de la vie et de la richesse de l’esprit) et les dix-huit paysages animés de la Frise Freia (dans le réfectoire des ouvrières de l’usine de chocolat Freia, 1921-1923), qui témoignent implicitement d’un autre centre d’intérêt altruiste, le prolétariat et les valeurs liées à la social-démocratie.

Edvard Munch meurt le 23 janvier 1944 en solitaire, célibataire et sans enfants, dans sa propriété d’Ekely, près d’Oslo. Mais, jusqu’au bout, sa peinture déborde de vitalité, particulièrement quand elle est consacrée au nu féminin. Ses coups de brosse enlevés dessinent des formes proches de la dématérialisation, transformant les particules physiques d’un corps en pure énergie (Deux femmes près du rivage, 1933-1935).

Soucieux de l’image qu’il souhaite laisser à la postérité, Edvard Munch a rédigé en 1940 un testament dans lequel il lègue l’intégralité de ses biens à la ville d’Oslo. L’inventaire après décès dénombre environ 27 000 numéros : 1 200 peintures, 7 000 dessins, 18 000 estampes, six sculptures, quelques films réalisés avec une caméra Pathé-Baby, des milliers de livres, une abondante correspondance et des manuscrits, auxquels s’ajoutent des photographies, des pierres lithographiques, des plaques de cuivre et des blocs de bois gravé. En 1963, le musée Munch est inauguré à Oslo dans le quartier de Tøyen. À partir de 2021, sous une identité visuelle nouvelle, tout en majuscules (le MUNCH), il occupe une tour baptisée Lambda, située dans le quartier chic de Bjørvika, sur le front de mer. Les espaces consacrés à la collection permanente et aux expositions temporaires (4 500 m² au total) se déploient sur sept étages et offrent onze parcours thématiques en rapport avec ce monstre sacré.