BOND EDWARD (1934-2024)
Dramaturge britannique prolifique, dont les premières pièces datent des années 1960 (The Pope'sWedding, 1962 ; Saved, 1965 ; Narrow Road to the Deep North et Early Morning, 1968), Edward Bond n'a cessé d'embrasser, jusque dans ses dernières pièces, le marasme contemporain. Accommodant le théâtre épique à son propre système, il a fait du paradoxe la figure privilégiée de son travail théâtral. Son œuvre postule l'articulation d'une parole poétique et d'un discours sur le monde.
Le destin de Bond, qui répugnait à confier ses pièces aux institutions théâtrales anglaises, est passé pendant plus de deux décennies par la France. Le metteur en scène Alain Françon est devenu son interlocuteur privilégié, après avoir monté La Compagnie des hommes (In the Company of Men) en 1992, puis les Pièces de guerre (The WarPlays) trois ans plus tard. Le Théâtre national de la Colline a ainsi trouvé en Edward Bond le « phare » de sa mission de service public. Un tel exemple s'est propagé à d'autres scènes françaises, comme en témoigne la création, en mai 2000, par le Théâtre du Nord de Lille, dans une mise en scène de Stuart Seide, d'Auprès de la mer intérieure(At the InlandSea), parabole sur l'adolescence et l'imagination écrite par Bond en 1995. À la Comédie-Française cette fois, en 2016, Alain Françon a mis en scène La Mer (The Sea, 1973), pièce dans laquelle on découvre les violences qui secouent une microsociété vivant au bord de la mer du Nord, où alternent comédie et tragédie.
Un théâtre du cataclysme
Edward Bond est né le 18 juillet 1934 à Holloway, un quartier populaire du nord de Londres. Lié dans un premier temps au Royal Court Theatre de Londres, connu comme un laboratoire d'avant-garde, Bond fut associé au Royal Court Writers' Group. Il y acquit, au contact de metteurs en scène comme William Gaskill ou George Devine, une expérience concrète de la scène et du jeu théâtral, dimension qu'il développa par la suite au cours de nombreux ateliers d'acteurs, mettant au point une véritable théorie de l'interprétation.
En 1965, Saved, description du sous-prolétariat anglais culminant dans une scène de lapidation d'un bébé dans son landau, provoque une polémique enflammée et la pièce est interdite par la censure royale. Trois ans plus tard, le scandale est reconduit par Earlymorning (Au petit matin), allégorie antivictorienne baignée d'une atmosphère cauchemardesque, pièce qui connut également la censure (la dernière de l’histoire de la monarchie britannique). Saved(Sauvés, 1972), montée par Claude Régy, va contribuer à faire découvrir Bond en France, avant que Luc Bondy ne mette en scène La Mer en 1973 – création qui vaudra une reconnaissance internationale au metteur en scène – et, surtout, que Patrice Chéreau ne le consacre grâce à sa mise en scène de Lear en 1975.
Le dramaturge a été profondément marqué par l'héritage shakespearien (Bingo, écrit en 1973, montre un Shakespeare aux prises avec la dimension matérielle du réel social), et plus encore par l'esprit et la violence des représentations de l'âge élisabéthain. Bond se réfère aussi volontiers à l'institution de la tragédie athénienne, dont il conceptualise à plusieurs reprises l'apport dans L'Énergie du sens (1998), sa principale somme esthétique et théorique, ou dans son Commentary on « The WarPlays » (Commentaire sur les « Pièces de guerre »), écrit quelques années plus tôt et publié en 1991. Cette analyse se veut un corollaire de son œuvre la plus ambitieuse, la trilogie des Pièces de guerre (The WarPlays, 1985), sans doute aussi la plus universelle, en ce qu'elle entreprend de se charger du sort du genre humain tout entier, dépeint à travers les survivants d'un cataclysme nucléaire en forme d'apocalypse.[...]
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Écrit par
- David LESCOT : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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