TYLOR EDWARD BURNETT (1832-1917)
Par la diversité des problèmes abordés, par l'audace des hypothèses qui dépassent les cadres de l' évolutionnisme et annoncent déjà le diffusionnisme, autant que par l'élaboration de méthodes scientifiques pour l'exploration systématique des civilisations, l' œuvre de Tylor domine, avec celle de Morgan, la pensée anthropologique du xixe siècle.
Plus que l'explication du développement progressif de l'homme, thème qui court à travers toutes les recherches de l'époque, c'est la doctrine des survivances et la théorie de l'animisme que la postérité a retenues comme apport original de Tylor, et particulièrement quelques-unes de ses orientations méthodologiques : collecte large et systématique des objets et des documents, analyse comparative, traitement statistique pour la recherche des fréquences et des corrélations, expérimentation de l'utilisation des objets primitifs.
La marque de l'époque
Tylor, né à Camberwell, fils d'une famille de quakers, et de ce fait sans accès possible à l'Université, n'avait d'autre ressource que d'acquérir une formation d'autodidacte. La rencontre fortuite à Cuba d'un coreligionnaire archéologue, Henry Christy, lui permit de réaliser une expédition de six mois au Mexique. Grâce à celle-ci et grâce à ses travaux ultérieurs, il obtint un poste de conservateur au musée de l'université d'Oxford, le statut de lecteur en 1884, puis celui de professeur en 1896. Ses Recherches sur le début de l'histoire de l'homme (1865), un voyage chez les Pueblo, de vastes recherches postérieures effectuées d'abord dans le sillage de Bastian, puis en se démarquant du transformisme, aboutirent à son principal ouvrage, Primitive Culture (1871), et valurent à Tylor d'occuper la première chaire d'anthropologie créée à Oxford. Il mourut à Wellington.
La plupart des hypothèses ambitieuses sur les étapes successives de l'évolution de la famille ou de la religion qui ont séduit le siècle de l'évolutionnisme sont considérées aujourd'hui comme des constructions arbitraires. Néanmoins, l'étude des stades de parenté par exemple a permis de cerner certains concepts et mécanismes mal définis jusqu'alors. On doit ainsi à Tylor des raffinements dans l'analyse de l'exogamie locale, des coutumes d'évitement, des phénomènes de résidence, des formes de descendance. Le premier, il a introduit la distinction entre cousins croisés et cousins parallèles, de même que le terme « teknonymie » (désignation d'une personne par référence à sa descendance ou à son ascendance).
L 'idée de « survivances » lui fut inspirée par les méthodes des géologues et des biologistes. Étant supposé la rationalité des agencements culturels dans un contexte donné, les coutumes et les croyances étranges et apparemment irrationnelles découvertes dans les civilisations modernes représentent des reliques d'une société révolue appartenant à un stade antérieur. Elles permettent donc de découvrir le passé à travers le présent. Le concept de survivance appliqué à la couvade joue un rôle capital dans l'explication du passage du matriarcat (avec autorité avunculaire et héritage népotique) au patriarcat (avec autorité paternelle et succession filiale), car la coutume qui fait jouer théâtralement au mari le rôle de l'accouchée ne peut exister, pense Tylor, que dans cette période intermédiaire où le mari doit se donner beaucoup de peine pour que son enfant soit rattaché à son propre groupe et non plus à celui de la mère. Pour les anthropologues transformistes, le folklore, les légendes, les superstitions et les mythes forment le plus précieux conservatoire du passé. Les mythes et légendes notamment valent comme interprétation de phénomènes naturels et recèlent la philosophie[...]
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Écrit par
- Claude RIVIÈRE : professeur émérite à l'université de Paris-V-Sorbonne
Classification
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