TOLMAN EDWARD CHACE (1886-1959)
Psychologue américain, Tolman occupe une place originale au sein de l'école béhavioriste à laquelle il déclare se rattacher. Il commence des études d'ingénieur au Massachusetts Institute of Technology, puis s'oriente vers la psychologie ; il suit les cours de Holt à Harvard, où il passe son doctorat en philosophie en 1915. D'abord initié au structuralisme de Wundt et de Titchener, il découvre, en 1914, le béhaviorisme watsonien. En 1918, il est nommé professeur à Berkeley, où il s'adonne à la psychologie comparative et fait des travaux sur le rat, sujet d'expérience privilégié à ses yeux. En 1932, il publie un livre très important : Le Comportement intentionnel des animaux et des hommes (Purposive Behavior in Animals and Men).
Tolman a eu et continue d'avoir une influence décisive sur le développement de la psychologie moderne. Si sa théorie est moins rigoureuse que celle de C. L. Hull, sa valeur heuristique reste considérable ; elle a suscité de nombreux travaux de recherche. Bien que Tolman se déclare béhavioriste, il est en cela fort peu orthodoxe ; pour lui, en effet, les processus mentaux sont des déterminants du comportement : ils jouent le rôle d'intermédiaires entre l'environnement et les états physiologiques, d'une part, et le comportement observable, d'autre part. Alors que, pour le béhaviorisme classique, l'unité de comportement est la réponse élémentaire, pour Tolman, cette unité est l'acte conçu comme un tout ; en ce sens, on a affaire ici à un « gestaltiste ». Alors que, classiquement, la cause de la réponse est un stimulus, pour Tolman, la raison d'un comportement réside dans l'implication entre deux stimuli, dont l'un est un signe et l'autre un signifié : c'est la représentation du but à atteindre qui mobilise les moyens à mettre en œuvre et modifie le comportement. Tolman a introduit, d'autre part, la notion de variable intermédiaire et s'est efforcé de l'objectiver, malgré son statut d'inférence. Ainsi, la faim se rattache, en amont, à des indicateurs de maintenance (temps de privation) et, en aval, à des indicateurs de réponse (volume ou rapidité de la consommation). L'introspection, à cet égard, se trouve donc bannie.
Le système de Tolman peut être résumé ainsi : les variables indépendantes (VI) sont fonctionnellement reliées aux variables intermédiaires (VM), dont le comportement (VD) est lui-même fonction. Manipuler les VI revient à modifier les fonctions qui les relient aux VM et à induire un type VD. Tolman distingue quatre types de VI — les variables individuelles (âge, hérédité...), les variables de maintenance (privation et type de nourriture), les variables historiques (expérience) et les variables de situation (stimuli) — et trois types de VM — les besoins (exigences, appétits), les mobiles (hypothèses, biais) et l'espace de comportement (capacités, valences).
Sa théorie de l'apprentissage est une théorie de la représentation : les indices de l'environnement suscitent des expectations cognitives, pouvant induire un comportement. Le renforcement joue un rôle de confirmation des attentes et non de réduction de la tension. L'apprentissage et la performance sont distincts : l'apprentissage s'applique à des cognitions qui ne se traduisent en performances que dans certaines conditions. Tout en admettant que sa théorie puisse s'appliquer à de larges classes de phénomènes, Tolman n'en évoque pas moins la nécessité de concevoir des types différents d'apprentissage.
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Écrit par
- Pierre LECOCQ : ancien professeur de psychologie comportementale à l'université de Lille-III
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