GIEREK EDWARD (1913-2001)
Promu premier secrétaire du Parti communiste de Pologne à la faveur de la crise politique générée par la révolte des ouvriers des chantiers navals de la Baltique, en décembre 1970, Edward Gierek est limogé de son poste dix ans plus tard, en septembre 1980, à l'issue du bras de fer engagé avec les ouvriers de Gdańsk qui a débouché sur la naissance du syndicat indépendant Solidarité. Circonscrite par les mouvements sociaux de la Baltique, la décennie de la direction Gierek a suscité tour à tour espoir et désenchantement, confirmant le fossé existant entre l'État et la société dans la république populaire de Pologne.
Né le 6 janvier 1913 en Silésie, Edward Gierek a vécu en France à partir de 1923, dans les corons du Pas-de-Calais où son père a été embauché comme mineur. Devenu mineur à son tour, militant du Parti communiste français à partir de 1931, il est expulsé de France en 1934 et se rend en Belgique, dans le Limbourg, où il poursuit son activité politique et syndicale dans les mines. En 1948, il rentre en Pologne, où il commence sa carrière politique. Tout en suivant des études par correspondance à l'École supérieure des mines de Cracovie, Edward Gierek continue son activité au sein du Parti ouvrier unifié de Pologne (P.O.U.P.). Promu membre du comité central en 1954, il devient premier secrétaire du parti de la voïvodie de Katowice en 1957 et bénéficie, dans la Haute-Silésie minière, de la confiance des ouvriers qui le reconnaissent comme l'un des leurs. Membre du bureau politique à partir de 1959, il affirma s'être opposé à la décision brutale de hausse des prix alimentaires qui allait être à l'origine des émeutes de Gdańsk et de la chute de Władyslaw Gomułka, annoncée le 20 décembre 1970. Brusquement propulsé à la tête du parti, Edward Gierek paraît surtout devoir sa promotion aux mécanismes de fonctionnement interne du parti.
La nouvelle équipe de Gierek, dite de „technocrates“, en raison de son haut niveau de formation et de son expérience de l'administration, est l'une des plus jeunes d'Europe. Après quelques actes d'ouverture et de pacification, la nouvelle direction ne définit pas clairement, sinon par la continuité, de ligne politique précise. Autoritaire mais soucieuse d'éviter l'affrontement, elle pratique la „tolérance répressive“, procédant par intimidation et offensives sporadiques, sans parvenir pour autant à contrôler la société.
La réaffirmation de sa loyauté à l'égard de Moscou se traduit, dès 1971, par l'aide du puissant voisin qui octroie un crédit de 100 millions de dollars et une importante fourniture de grains. À l'instar de Brejnev, Gierek annonce la promulgation d'une nouvelle Constitution, concrétisée quelques années plus tard par de simples amendements qui, malgré de nombreuses protestations, affirmeront le rôle dirigeant du parti et la suprématie de l'U.R.S.S.
Dans le domaine économique, Gierek fait, en revanche, preuve d'ouverture en s'engageant dans une politique d'emprunts massifs à l'Occident, assortie d'une activité diplomatique sans précédent, en particulier à l'égard des États-Unis. Sa politique produit dans un premier temps des résultats spectaculaires. Les exportations polonaises doublent entre 1970 et 1975, le marché s'ouvre aux importations occidentales et la société découvre, dans une certaine mesure, la jouissance de la consommation. Mais le „miracle économique polonais“ s'avère de courte durée. Disproportionnés aux capacités du pays, les crédits ont été mal gérés et inégalement investis. En juin 1976, la décision d'augmenter les prix alimentaires suscite une nouvelle vague de protestation des centres ouvriers d'Ursus, de Plock et de Radom, qui est sévèrement réprimée mais provoque en retour une mobilisation inédite des intellectuels. Sous l'impulsion diffuse du Comité de défense des ouvriers (K.O.R.),[...]
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Écrit par
- Catherine GOUSSEFF : chercheur au C.N.R.S., directrice du Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (C.N.R.S. - École des hautes études en sciences sociales)
Classification
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POLOGNE
- Écrit par Jean BOURRILLY , Encyclopædia Universalis , Georges LANGROD , Michel LARAN , Marie-Claude MAUREL , Georges MOND , Jean-Yves POTEL et Hélène WLODARCZYK
- 44 233 mots
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C'est ainsi qu'advint au pouvoir Gierek qui, à l'opposé de ses prédécesseurs, avait vécu plus de vingt ans dans les pays occidentaux comme mineur et militant communiste. Il s'est décidé immédiatement à modifier la situation antérieure, à commencer par une démocratisation relative de la vie sociopolitique,...