HOPPER EDWARD (1882-1967)
Lorsque le peintre Edward Hopper disparaît en 1967, sa renommée est fermement établie de deux côtés de l'Atlantique. Toutefois sa vie, sa conception de la peinture, sa manière d'être au monde ne semblent évoquer que des paradoxes. « Observateur silencieux », il fonde sa description du monde sur ces instants où l'insignifiant et le trivial se révèlent dotés d'un puissant pouvoir d'énigme.
Les paradoxes
Géant taciturne, aimant le silence, il vit depuis 1913 en plein cœur de Manhattan, au 3 Washington Square North, Greenwich Village, un des endroits les plus dynamiques de la ville. Au début du xxe siècle, il gagne sa vie comme illustrateur commercial en trouvant son métier peu intéressant. « J'ai été un illustrateur lamentable, ou, en tout cas, médiocre... ». Il ne connaîtra une reconnaissance artistique que bien plus tard, à l'âge de quarante-deux ans. Très hostile aux avant-gardes européennes qu'il avait vues à L'Armory Show de New York en 1913, il sera reconnu comme un grand peintre par les expressionnistes abstraits américains dans les années 1940-1950 et même par les artistes pop de la décennie 1960-1970. Imprégné de culture picturale française et européenne, il désirait créer un art typiquement américain, mais il avait exclu de son iconographie les grandes villes avec leurs gratte-ciel ainsi que les espaces monumentaux de l'Ouest sauvage, que pourtant il connaissait bien. Considéré à ses débuts comme proche de l'Ash Can School de New York (Robert Henri, Luks, Sloan, Bellows, Glackens), il niera toute affinité avec ce mouvement pictural, comme il le fera aussi plus tard avec l'« American Scene ». Au début du siècle, c'est le peintre Robert Henri qui va exercer une influence esthétique et théorique sur Hopper, influence qui se joindra à celles qu'il reçoit pendant ses séjours à Paris, au début du xxe siècle, lorsqu'il découvre Monet, Degas, Sisley, Renoir et peut-être Picasso. Hopper refusera aussi les thèmes du Groupe des Huit et leur représentation des quartiers populaires. La fébrilité, la chaleur humaine sont radicalement exclues de son répertoire. Celui qu'on a pu appeler « the silent observer » (l'observateur silencieux) ne cherche nullement à représenter les affects, les expressions des gens. Ce sont les « empty moments », les moments vides, qui l'intéressent, et cela depuis les débuts de son œuvre jusqu'à sa disparition. Dernière contradiction : alors qu'il n'a jamais sollicité les honneurs, Hopper sera couvert de gloire à partir des années 1930. On organise d'importantes rétrospectives de son œuvre (la première a lieu au Museum of Modern Art de New York en 1933) et il reçoit des médailles de diverses académies des Beaux-Arts. En 1945, il est élu membre de l'Institut national des arts et des lettres. En 1952, il est un des quatre peintres qui représentent les États-Unis à la biennale de Venise.
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Écrit par
- Charles SALA : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
Classification
Médias
Autres références
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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Les arts plastiques
- Écrit par François BRUNET , Éric de CHASSEY , Encyclopædia Universalis et Erik VERHAGEN
- 13 464 mots
- 22 médias
...précisément absente des œuvres de deux artistes qui ont souvent été rattachés au régionalisme, alors que leur individualité grinçante les en distingue : Edward Hopper et Grant Wood. Le réalisme de Hopper n'est jamais maniériste ; qu'il représente la ville ou la campagne, ce sont toujours des lieux où se...