SCHILLEBEECKX EDWARD (1914-2009)
Théologien catholique dominicain dont les travaux ont souvent inquiété le Vatican, Edward Schillebeeckx est mort à Nimègue (Pays-Bas), le 23 décembre 2009. Né en 1914 à Anvers, il avait été admis à la maison des dominicains de Gand à l'âge de dix-neuf ans. Ordonné prêtre en 1941, licencié en théologie de l'université de Louvain, il approfondit sa formation au centre d'études dominicain du Saulchoir, à Paris, où il suivit également des cours à l'École pratique des hautes études. Il enseigna la théologie dogmatique et l'histoire de la théologie au Studium théologique de Louvain de 1943 à 1957, puis à l'université catholique de Nimègue de 1958 à 1983. On peut distinguer différentes étapes dans sa production théologique.
De 1946 à 1965, sa réflexion se situe dans la ligne d'un thomisme ouvert défendu par ses maîtres Domien De Petter et Marie-Dominique Chenu. De cette période datent ses études sur la théologie des sacrements comme L'Économie sacramentelle du salut(1952). À l'occasion du IIe concile du Vatican, Schillebeeckx publie une série d'essais théologiques rassemblés à partir de 1964 dans Theologische Peilingen. La méthode mise en œuvre pendant cette période est celle de ses maîtres : d'abord approche par voie de théologie positive, puis élaboration systématique. Mais, en même temps, il essaie d'ouvrir le thomisme à la problématique de la phénoménologie, soucieuse de prendre en compte les données de l'expérience. Il s'en explique dans Approches théologiques, t. I, Révélation et théologie.
À partir de la fin des années 1960, un changement intervient : Schillebeeckx renonce au thomisme d'école pour s'affronter aux problèmes d'herméneutique. Certes, estime-t-il, la théologie catholique admettait la notion de progrès dans l'intelligence de la foi et celle d'évolution des dogmes, ce qui suppose un effort d'interprétation en vue d'expliciter une vérité jusqu'alors contenue implicitement dans le donné révélé. Mais, au-delà de l'étude des rapports entre Écritures et Tradition, il s'agit d'actualiser le texte des Écritures en tenant compte de l'expérience qui est la nôtre. D'une certaine manière, les Écritures elles-mêmes sont déjà interprétation de faits relevant de l'histoire d'Israël et de l'histoire de Jésus. La théologie herméneutique est donc interprétation d'une interprétation. Dans ces conditions, l'interprétation concerne à la fois une expérience originaire et l'expérience de la communauté interprétante.
L'ouvrage Jezus, het verhaal van en Levende (Jésus, le récit d'un vivant) résulte de la mise en application de ces principes. Pour Schillebeeckx, le point de départ du Nouveau Testament est la répercussion du « fait » Jésus sur ses disciples. Tout a commencé par une rencontre : les disciples ont fait une expérience qui a donné à leur vie une nouvelle signification. Cette expérience du salut de Dieu en Jésus et l'interprétation que les disciples en donnèrent furent finalement consignées par écrit. Même si les présentations sont fort variées, les différents écrits renvoient tous au même événement fondateur. Mais l'événement Jésus n'est accessible qu'enfoui dans le tissu de documents de foi, représentant à leur manière un effort de compréhension et d'interprétation. En complément à cet ouvrage, l'auteur publia Gerechtigheid en Liefde. Gnade en Bevrijding (« Justice et Vie. Grâce et libération »), dans lequel il s'attache à examiner comment le paulinisme et le johannisme ont présenté l'expérience du salut en Jésus. De plus, il s'efforce de proposer une sotériologie adaptée aux catégories de pensée de l'homme contemporain. Sa thèse est que le Christ ressuscité ouvre la possibilité[...]
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Écrit par
- Raymond WINLING : professeur émérite de théologie, université de Strasbourg
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