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FEUILLÈRE EDWIGE (1907-1998)

Au début de sa carrière, la jeune Edwige Caroline Cunati (née à Vesoul en 1907 d'un père d'origine italienne) avait choisi un pseudonyme dans le goût de l'époque : Cora Lynn. Elle l'abandonna rapidement sans avoir réussi à l'imposer, pas plus à la scène dans une revue de Rip comme Par le temps qui court, en 1930, que dans son premier long-métrage, (Le Cordon bleu, 1931, de Karl Anton). Ayant épousé l'acteur Pierre Feuillère, elle adopta son patronyme. Premier prix de comédie au Conservatoire national, pensionnaire à la Comédie-Française de 1931 à 1933, c'est pourtant au cinéma qu'elle se fait le plus rapidement connaître. Entre 1932 et 1940, elle tourne exactement vingt-cinq films, drames, comédies ou vaudevilles, qui lui valent une grande popularité. Dans cette production hétéroclite, peu de titres à retenir, même parmi les moins mauvais comme Topaze (1932) de Louis Gasnier, d'après Marcel Pagnol, Ces Messieurs de la Santé (1933) de Pierre Colombier, Lucrèce Borgia (1935) d'Abel Gance, ou encore Golgotha (1935) de Julien Duvivier, où elle incarne la femme de Ponce Pilate, alias Jean Gabin. À partir de 1936 sa carrière prend un premier virage, avec quelques rôles plus ambitieux : Marthe Richard espionne au service de la France (1937) de Raymond Bernard, au côté d'Erich von Stroheim, La Dame de Malacca (1937) de Marc Allégret et surtout Sans lendemain (1939) et De Mayerling à Sarajevo (1940), tous deux de Max Ophuls. Elle n'oublie pas non plus la comédie avec deux excellents films : Mister Flow (1936) de Robert Siodmak et surtout J'étais une aventurière (1938) de Raymond Bernard.

C'est sous l'Occupation qu'Edwige Feuillère passe dans la catégorie des stars. La métamorphose s'opère avec La Duchesse de Langeais (1942) de Jacques de Baroncelli, qui voyait les débuts de Jean Giraudoux comme scénariste, et où l'actrice donnait une interprétation de grande classe de l'héroïne de Balzac. Le film marque sa rencontre avec le chef-opérateur Christian Matras qui assurait avoir trouvé le secret de sa photogénie, en ne photographiant que son bon profil. Par la suite, c'est avec son fidèle concours qu'elle tourne aussi bien Lucrèce (1943) de Léo Joannon que L'Idiot (1945) de Georges Lampin, et surtout L'Aigle à deux têtes (1947) de Jean Cocteau avec Jean Marais (les deux acteurs avaient créé la pièce l'année précédente). Ces films prolongent sa réputation de « grande dame du cinéma français » jusqu'à l'orée des années 1950, lorsqu'elle doit s'effacer au profit de nouvelles venues ou des jeunes revenantes Michèle Morgan et Danielle Darrieux. Après Julie de Carneilhan (1949) et Le Blé en herbe (1953), tous deux d'après Colette, elle ne tourne plus que des films secondaires, à l'exception de La Chair de l'orchidée (1975) de Patrice Chéreau.

Malgré cette très brillante carrière cinématographique, c'est plutôt de la grande comédienne de théâtre qu'on s'est souvenu au moment de sa disparition. Son rapide passage au Français où elle joua notamment Le Mariage de Figaro et La Parisienne d'Henri Becque n'a pas beaucoup compté, non plus que ses premiers rôles de Boulevard (Mon Crime de Louis Verneuil et Georges Berr, 1934). Son premier triomphe au théâtre fut La Dame aux camélias de Dumas Fils, qu'elle joua, à maintes reprises, à partir de 1937, au côté de Pierre Richard-Willm. Mais c'est encore avec Giraudoux que lui vint, comme au cinéma, la vraie consécration, avec la création de Sodome et Gomorrhe en 1943. Ce furent ensuite ses plus grands rôles, avec L'Aigle à deux têtes (1946) et surtout Partage de midi (1948) de Paul Claudel où elle fut une inoubliable Ysé sous la direction de Jean-Louis Barrault, avec lequel elle créa aussi Pour Lucrèce (1953)[...]

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Écrit par

  • : historien du cinéma, ancien chargé de mission et conseiller technique du directeur général du Centre national de la cinématographie, ancien administrateur général du palais de Tōkyō (Maison du cinéma)

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