PLENEL EDWY (1952- )
Le patron de presse
Mais c’est à l’occasion de la crise du Monde qu’Edwy Plenel acquiert une nouvelle stature. Au début de 1994, la Société des rédacteurs se révolte contre une gestion qui mène le quotidien à sa perte et convainc les actionnaires de nommer Jean-Marie Colombani directeur du journal. Edwy Plenel est nommé rédacteur en chef en mars 1994. Le 1er septembre 1995, il est chargé de la réorganisation de la rédaction ; il est nommé directeur de la rédaction en janvier 1996, poste qu’il occupe jusqu’en novembre 2004. Les recettes du journal croissent rapidement, grâce à l’augmentation des ventes, qui passent de 354 000 à 416 000 exemplaires par jour de 1994 à 2002, ce qui permet à l’entreprise de constituer un groupe de presse en rachetant d’autres journaux. Mais la prospérité du Monde n’est pas du goût de tous : durant l’année 2003, plusieurs livres à charge sont publiés contre Le Monde et ses dirigeants – notamment celui de Pierre Péan et Philippe Cohen, La Face cachée du Monde. Les auteurs consacrent 200 pages à des attaques contre le journalisme d’investigation de Plenel, accusé d’être un trotskiste et un agent de la CIA cherchant à déstabiliser les institutions républicaines.
Ce dernier leur avait répondu à l’avance. Pour Edwy Plenel, qui aime à citer la phrase d’Albert Londres : « Notre métier n’est ni de faire plaisir ni de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. » « L’expression “journalisme d’investigation” est un pléonasme. C’est partout, dans tous les secteurs, économie, culture, étranger, qu’il faudrait mener des enquêtes » (Télérama, 20 janvier 1993). Et ailleurs : « Pour moi, le débat porte sur la démocratie et ses libertés. Il y a une réticence proprement française, chez les politiques comme chez les intellectuels, à envisager sereinement la place citoyenne du journalisme dans le conflit démocratique. […] [Le journaliste] se contente de mettre un problème sur la place publique (la corruption par exemple) ; à la démocratie, à ses acteurs mandatés par la collectivité de s’en saisir ou non, à temps ou non » (Edwy Plenel, « La Plume dans la plaie », Le Débat, no 90, mai-août 1996).
Contraint de quitter Le Monde en 2005, Edwy Plenel renoue avec sa conception du journalisme en créant un site d’information sur le Web, Mediapart, lancé en mars 2008 avec François Bonnet, Gérard Desportes et Laurent Mauduit. Mediapart héberge à la fois les articles rédigés par ses journalistes et ceux des lecteurs adhérents au Club. Pratiquant le journalisme d’enquête, le site acquiert ses titres de noblesse grâce à ses révélations dans l'affaire Woerth-Bettencourt en 2010, et dans l'affaire Cahuzac en 2012-2013. Sans recettes publicitaires, le site vit des abonnements de ses utilisateurs. Passés de 20 000 en 2009 à près de 170 000 en 2019, ils permettent à l’entreprise d’être rentable : près de 17 millions d'euros de chiffre d'affaires et 2,3 millions d'euros de résultat net en 2019. Les publications de Mediapart sont régulièrement mises en cause par ceux qui y découvrent des informations désagréables pour eux, mais Edwy Plenel n’en a cure et poursuit son chemin.
En 2009, Edwy Plenel a été l’un des fondateurs du Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL). Il a également été professeur associé à l'université de Montpellier-I et a enseigné à l'Académie du journalisme et des médias de l'université de Neuchâtel (Suisse). Edwy Plenel a publié de nombreux ouvrages, dont L'Effet Le Pen (en collaboration, 1984), La République inachevée (1985), La Part d'ombre (1992), Les Mots volés (1997), Secrets de jeunesse (2001), Procès (2006), Le Président de trop (2011), Le Droit de savoir (2013), Pour les musulmans (2014), Voyage en terre d'espoir (2016), La[...]
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Écrit par
- Patrick EVENO : professeur émérite, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média
Autres références
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MONDE LE
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Pierre Albin MARTEL
- 1 545 mots
Seul journal quotidien français qui bénéficie d'une audience internationale, Le Monde est aussi un cas unique dans la presse nationale de l'immédiat après-guerre. Né en 1944, il n'est pas « issu de la Résistance », comme beaucoup d'autres, mais du vœu du général de Gaulle et de ministres (surtout...