LOTUS EFFET, physique
Le lotus est une plante orientale dont les larges feuilles ont la propriété spectaculaire d'être très peu mouillées par l' eau. Que l'on jette une poignée de gouttes sur ces feuilles, et on verra autant de billes qui roulent sans la moindre friction apparente, et disparaissent très vite de la surface de la feuille. Et si c'est du miel que l'on dépose, son comportement est tout aussi remarquable : il forme une perle que la moindre pente entraîne à vive allure, en dépit de sa viscosité élevée. Ces gouttes ultra-mobiles ont la propriété supplémentaire d'emporter avec elles les poussières qu'elles trouvent sur leur chemin : celles-ci s'accrochent à la surface du liquide en mouvement, si bien que la trace laissée sur la feuille est non seulement sèche, mais propre : une simple pluie suffit à nettoyer ces surfaces, ce que le botaniste allemand Wilhelm Barthlott a baptisé « effet lotus ». Cet effet, qui est caractéristique de tout matériau super-hydrophobe, naturel ou artificiel, résulte donc principalement de la mobilité extraordinaire de l'eau sur ces surfaces, et accessoirement de la capacité d'une interface à piéger des particules solides – cette dernière propriété étant générale et pas spécialement liée au lotus, qui ne fait que l'exploiter. L'effet lotus a vite intéressé le monde industriel : on peut rêver de surfaces à grande échelle réalisant cette propriété, des verres aux bétons, du bois aux métaux, et permettant d'éviter l'altération, la corrosion ou l'imprégnation engendrées par la présence d'eau à leur surface.
Point essentiel pour comprendre l'effet lotus, l'eau a naturellement tendance à se mettre en boule : sa surface porte une énergie spécifique, reflet direct de sa cohésion. Le liquide recherche donc la forme de surface minimale, qui est la sphère. Une goutte de pluie est sphérique et les matériaux super-hydrophobes sont ceux qui préservent au mieux cette forme. Pour parvenir à ce résultat, il faut que le liquide ne touche pas vraiment son support mais reste comme en lévitation sur lui. Sur la feuille de lotus comme sur environ 200 autres plantes, cette propriété est permise par la présence de picots micrométriques couverts de cire : amenée au contact de la feuille, l'eau ne la touche que par les sommets de ces aspérités, et repose donc (à 90 p. 100 environ) sur de l'air. Ce film d'air lui confère une mobilité extrême (la friction d'un liquide est bien moindre sur l'air que sur un solide), et une adhésion minimale (l'eau ne peut s'accrocher que sur les sommets des plots, dont la densité est faible et les dimensions petites). La notion d'énergie de surface permet aussi de comprendre pourquoi les gouttes emmènent les poussières : en se collant à la surface de l'eau, un grain de poussière fait « disparaître » un morceau d'interface liquide-air, ce qui est énergétiquement favorable.
La recherche sur l'effet lotus est particulièrement active depuis le début du siècle.
– On cherche à comprendre si aux effets anti-pluie peuvent s'ajouter des fonctions anti-buée ou anti-givre, et quels designs il convient de donner aux micro-textures pour engendrer de telles propriétés.
– Des chercheurs du M.I.T. ont montré en 2007 que des surfaces décorées par des motifs non convexes sont aussi capables de repousser l'huile, pourtant beaucoup plus mouillante que l'eau. On a découvert depuis lors qu'un petit arthropode du genre Collembola vivant dans les sols humides, qui doit se protéger d'une eau particulièrement impure, possède de telles structures sur sa carapace.
– La dynamique de l'eau sur une feuille de lotus est spectaculaire. Sur du verre ou un plastique, le frottement d'une goutte en mouvement est exacerbé par les bords de cette[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- David QUÉRÉ : directeur de recherche à l'École supérieure de physique et de chimie industrielles ParisTech et au laboratoire d'hydrodynamique de l'École polytechnique
Classification