TCHERENKOV EFFET
Le passage des particules nucléaires chargées à travers la matière donne lieu à des interactions de natures diverses, l'une d'elles étant l'émission de radiation électromagnétique appelée effet Tcherenkov (Čerenkov). Dans les milieux transparents, cet effet apparaît sous la forme d'un éclair de lumière dont les rayons sont émis dans des directions liées à la trajectoire et à la vitesse de la particule. Cette émission, très particulière, revêt certaines caractéristiques des ondes de choc qui ne se produisent que lorsque la vitesse du projectile, ici une particule nucléaire, dépasse un certain seuil.
Les particules fournies par les accélérateurs des centres de recherche ou provenant du rayonnement cosmique ne sont observables que par leurs interactions. L'effet Tcherenkov en est une et sert de base à des méthodes aussi précises que variées de mesure des propriétés de ces particules. Il est à l'origine de nombreuses découvertes (dont celle de l'antiproton), et la plupart des expériences de physique des particules fondamentales font appel à des détecteurs Tcherenkov.
Dès les débuts de la radioactivité, on avait observé que les solutions de sels de radium émettent une faible lueur bleutée. Le rayonnement nucléaire d'une préparation de radium au voisinage de liquides ou de solides transparents suffit à provoquer cette émission de lumière. L. Mallet (1926-1929) avait déjà montré que cet effet n'était pas une luminescence et avait dégagé plusieurs de ses particularités. C'est aux physiciens Pavel Alexeïevitch Tcherenkov et Sergey Ivanovich Vavilov que revient l'honneur d'avoir établi à partir de 1934 les propriétés fondamentales de ce phénomène qui ont mené à son interprétation :
– l'émission de lumière se produit dans tous les liquides ou solides transparents sous la forme d'un spectre continu, contrairement aux phénomènes de phosphorescence ;
– la lumière, fortement polarisée, est émise dans la direction du rayonnement en provenance de la préparation radioactive.
Guidés par ces données expérimentales, les théoriciens russes Ilya M. Frank et Igor Ievghenievitch Tamm proposèrent une théorie qui, s'appuyant sur l'électrodynamique classique, expliquait toutes les propriétés observées de cette radiation et en prédisait même de nouvelles.
Description
Lorsqu'une particule chargée se déplace dans un milieu transparent (verre, liquide, gaz), ce déplacement agit sur les champs électrique et magnétique comme une série d'éclairs successifs ; un peu comme les lampes d'une guirlande qui s'allument à tour de rôle, donnant l'impression qu'elles se déplacent le long du fil de support. Dans tout phénomène vibratoire, et la lumière en est un, une série de tops ou d'éclairs est équivalente à une série de sources émettant également sur toutes les fréquences, chacune étant décalée différemment dans le temps. Ce décalage Δt introduit pour chaque fréquence ν et pour chaque source un décalage de phase Δϕ = 2 πνΔt. Dans notre cas, le décalage en temps est le temps que met la particule pour aller d'un point à un autre de sa trajectoire, c'est-à-dire le temps L/v, L étant la longueur parcourue dans le milieu transparent et v la vitesse de la particule. Si un observateur regarde la particule venant vers lui avec un angle θ, il verra ces sources fictives avec un retard supplémentaire dû au temps que met la lumière pour venir jusqu'à lui. Ce retard diminue quand la particule se rapproche. Ainsi, cet observateur verra une série de sources ou d'éclairs émettant successivement et se décalant comme Δt = L(1/v − n cos θ/c, où c est la vitesse de la lumière dans le vide et c/n la vitesse de la lumière dans notre milieu transparent, n étant l'indice de réfraction du[...]
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Écrit par
- Paul BAILLON : physicien, docteur ès sciences, ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, fonctionnaire à l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern)
- Robert MEUNIER : physicien supérieur détaché du Centre d'études nucléaires, Saclay, et au Centre européen de recherche nucléaire (Cern), Genève
Classification
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