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ORTHODOXE ÉGLISE

L'Église orthodoxe est l'une des trois expressions majeures du christianisme. Elle reste pourtant mal connue en Occident. Si son destin est d'une grande continuité spirituelle marquée par la fidélité aux Pères, il présente en effet d'étranges ruptures historiques, des phases d'occultation, des moments de « mort-résurrection ». À quatre reprises au moins, des forces hostiles venues d'Orient ou d'Occident ont détruit les formes culturelles dans lesquelles l'orthodoxie s'exprimait : au viie siècle, l'islam arabe ; au xiiie siècle, l'Occident latin et l'invasion mongole ; au xve siècle, l'islam turc ; au xxe siècle, le communisme.

À travers ces drames, l'orthodoxie eut – et garde souvent – une tendance à se constituer, non sans analogies avec le judaïsme, en une tradition-transmission rituelle et populaire, capable d'adoucir et d'embellir la vie quotidienne, mais sacralisant sans discernement le détail liturgique, la lettre des Pères et des canons (dans lesquels beaucoup de prescriptions du Lévitique ont été reprises après la grande crise du viie siècle). À la limite, limite que seuls les schismatiques ont franchie, c'est la tentation du messianisme national (ainsi quand on fait de Moscou la troisième Rome) et de la « vieille croyance » (le Raskol russe du xviie siècle, les paléostylites de l'Europe du Sud-Est au xxe siècle).

Pourtant l'orthodoxie a manifesté périodiquement une tout autre dimension, pneumatologique, personnelle et prophétique, et l'on ne saurait, sinon pour le moyen âge orthodoxe qui va du xve au xviiie siècle, l'identifier à un « Orient ». Byzance, jusqu'en 1453, a connu maintes résurgences de l'hellénisme antique, et la renaissance des Paléologues fut un humanisme transfiguré, qui fait penser au Trecento franciscain. De même, la pensée religieuse russe des xixe et xxe siècles a voulu répondre à la révolte de l'Occident moderne : « Dostoïevski, disait Berdiaeff, a su tout ce que Nietzsche a su, et quelque chose en plus. »

Si ces deux tentatives ont tourné court à cause des fatalités de l'histoire, celles-ci mêmes ont engagé à l'époque actuelle l'orthodoxie dans une aventure planétaire. Des millions d'orthodoxes se sont dispersés à travers l'Occident. L'élan prophétique de la pensée religieuse russe a porté ses fruits dans l'école de Paris. En 1970, une Église orthodoxe purement occidentale a commencé à se constituer en Amérique, tandis qu'une Église autonome, fruit de la mission russe à travers la haute Asie, se formait au Japon. Enfin de petites communautés d'orthodoxes noirs se sont implantées en Ouganda, au Kenya et en République démocratique du Congo.

Aujourd'hui l'Église orthodoxe est donc présente dans toutes les civilisations. Durant la période communiste, elle a accepté loyalement, parfois avec une apparente servilité, le régime, mais n'a jamais transigé sur la foi. En Russie même, après d'effroyables persécutions, elle s'est vu reconnaître un rôle réduit à la seule vie liturgique. Elle n'a recouvré une pleine influence qu'avec la chute du régime. Un certain nombre d'intellectuels ont été attirés par son témoignage : parmi eux, les plus grands écrivains russes de ce temps, Anna Akhmatova, Boris Pasternak, Alexandre Soljenitsyne, Andreï Siniavsky, Vladimir Maximov. Dans le Tiers Monde, l'orthodoxie arabe du patriarcat d'Antioche, animée par de grands évêques comme Georges Khodre et Ignace Hazim, formés à l'institut Saint-Serge de Paris, cherche une spiritualité créatrice, et engage le dialogue avec l'islam. À la limite de l'Orient et de l'Occident, l'Église de Grèce, où se renforce un courant intégriste, n'arrive pas à faire face à la modernité, mais l'Église de Crète,[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris
  • : directeur du Centre d'études Istina et de la revue Istina
  • : docteur ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)

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Média

Moines du mont Athos (Grèce), vers 1930 - crédits : Three Lions/ Hulton Archive/ Getty Images

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