ORTHODOXE ÉGLISE
Problèmes contemporains
Après l'écroulement, en 1453, de l'Empire byzantin et la dissolution du système politique qui avait assuré jusque-là l'unité canonique des Églises orthodoxes de l'Europe de l'Est, le patriarcat de Constantinople s'est trouvé appelé à jouer, en dépit de la perte de sa cathédrale de Sainte-Sophie, des pressions de l'administration turque et de sa représentativité réduite, un rôle qui obtint la reconnaissance et même reçut l'appui des sultans ottomans. Auparavant, c'était l'empereur byzantin qui ratifiait les lois ecclésiastiques et convoquait les conciles : de là vient qu'on a donné autrefois à l'Église byzantine le qualificatif de « melkite » (ou « impériale »). Après 1453, ces attributions revinrent au patriarche œcuménique. Ce dernier reçoit, en effet, du sultan le titre d'« ethnarque », responsable du milet chrétien ; il a juridiction sur les orthodoxes grecs, mais aussi sur les non-grecs des Balkans ; le Phanar devient l'arbitre de leur statut, pour éviter les conflits et pour sanctionner ou rejeter leurs requêtes visant à obtenir une certaine autonomie ecclésiastique.
Le problème de l'autocéphalie
Cet élargissement des attributions du patriarche se fit sans heurt dans la première période, mais il devait soulever des problèmes sérieux au xixe siècle quand les États des Balkans accédèrent à l'indépendance politique. La tendance à l'indépendance se fit jour alors dans toute l'orthodoxie, comme elle s'était manifestée au xve siècle en Russie, du fait que l'Église de Moscou, la première, s'était, en 1448, proclamée elle-même « autocéphale ». En deuxième lieu, l'administration phanariote prit l'habitude d'initiatives directes auprès des patriarcats orientaux d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem, qui étaient alors soumis au pouvoir ottoman : ainsi la référence traditionnelle à la « pentarchie » était maintenue, bien que les cinq patriarcats fussent ramenés au nombre de quatre. Enfin, le patriarcat de Constantinople, qui gardait sous sa mouvance les orthodoxes du royaume de Pologne-Lituanie, connut à partir du xve siècle une expansion vers l'Est, en Biélorussie et en Ukraine ; il reconstitua au xve siècle la zone d'influence de la métropolie de Kiev, qui lui restait attachée alors que la Russie moscovite était devenue autocéphale. Mais, après le concile de Florence, cette métropolie entra par l'Union de Brest (1596) en communion avec l'Église catholique, sans demander l'accord formel de Constantinople. Le patriarcat tenta alors de faire revenir ses fidèles dans le giron de l'orthodoxie par le biais des moines et par la création de confréries laïques qui devinrent des centres d'animation spirituelle et, en même temps, des foyers de résistance à la polonisation du pays.
Les responsabilités nouvelles du patriarcat œcuménique ont favorisé l'élévation du synode permanent (ou endemoussa) de Constantinople au rang d'institution ordinaire de gouvernement au côté du patriarche. Pour toute décision importante, la tradition ancienne exigeait l'accord de la pentarchie, c'est-à-dire des cinq patriarcats « apostoliques » (de Rome, Alexandrie, Antioche, Constantinople et Jérusalem). Après la rupture avec Rome, la théorie de la pentarchie avait été un moment révisée, en particulier par le canoniste Balsamon (xie s.). Mais l'idéal de la communion fondée sur l'égalité des patriarcats est resté la base de l'orthodoxie. Les patriarches orientaux donnèrent un cours nouveau à la pentarchie (comme en témoigne la « confession de foi » de Métrophane Critopoulos, patriarche d'Alexandrie, au xviie siècle) et les patriarches de Constantinople consultèrent ou convoquèrent assez régulièrement[...]
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Écrit par
- Olivier CLÉMENT : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris
- Bernard DUPUY
: directeur du Centre d'études Istina et de la revue
Istina - Jean GOUILLARD : docteur ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
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