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ORTHODOXE ÉGLISE

La théologie et la spiritualité

Dans la grande tradition orthodoxe, on ne peut distinguer théologie et spiritualité : l'orthodoxie est aussi une « ortho-praxie » ; la parole biblique et théologique ne peut se séparer de la vie : elle se consomme eucharistiquement dans l'expérience liturgique, elle s'intériorise dans une vie spirituelle qui signifie « vie en Christ », dans le Saint-Esprit. « Toute parole peut être contredite par une autre, aimait à dire saint Grégoire Palamas, mais quelle parole pourrait contredire la vie ? » Les dogmes, formulés à regret, sont les grandes « images conductrices » de la « déification », les « tuniques intelligibles » du mystère.

Ce recours à l'expérience où la connaissance de Dieu s'identifie à son « inconnaissance » pourrait être précieux maintenant que l'« onto-théologie occidentale », comme dit Heidegger, semble aboutir à la « mort de Dieu », ou plutôt à son absence. Selon un théologien grec contemporain, Christos Yannaras, le témoignage de l'orthodoxie permettrait de retourner l'absence de Dieu en son inconnaissance.

Christologie

« L'homme, aurait dit saint Basile de Césarée, est un animal appelé à devenir Dieu. » Il est « à l'image de Dieu », prédestiné à une participation – la « ressemblance » – qui ne l'abolit pas mais l'accomplit. L'homme n'est vraiment tel que « déifié », devenu « intérieur » à la Trinité, vivifié par l'Esprit, « cohéritier » du Christ, « adopté » par le Père. L'exigence de s'unir au Dieu vivant fait son être même, selon une ontologie qui n'est pas celle du substantialisme, mais celle de la communion. La grâce incréée constitue son origine et sa fin : elle est ce « retrait » sacrificiel du Créateur dont la toute-puissance, culminant dans l'apparition d'une autre liberté, se transforme en une vulnérabilité infinie, car « Dieu peut tout sauf contraindre l'homme à l'aimer », selon l'adage patristique ; elle est aussi cette « lumière de la vie » dont parle l'Évangile johannique et dans laquelle la liberté tragique de l'homme peut trouver son contenu et sa plénitude. Dès l'origine, le but offert à l'homme est la « divino-humanité », l'union plénière au Fils – qui est son archétype –, l'Image consubstantielle du Père.

C'est dire que l'incarnation du Fils est prédéterminée dès l'origine. Commentant l'épître aux Colossiens où le Christ apparaît comme la révélation du « mystère caché avant les siècles » (Col., i, 26), Maxime le Confesseur écrit : « Cela, c'est la bienheureuse fin par laquelle toutes choses se maintiennent ensemble. Cela, c'est le but divin préconçu avant l'origine des êtres et que nous comprenons comme la fin prédéterminée à cause de laquelle sont toutes choses. Dieu fixait les yeux sur cette fin lorsqu'il créait les essences des êtres [...]. Tout dans les siècles a pris dans le Christ l'origine et la fin de son être. Car avant les siècles a été projetée l'union de la limite et du sans-limite, de la mesure et du sans-mesure, de la créature et du Créateur » (Soixantième Question à Thalassius).

La grâce est impliquée dans l'acte même de création ; la nature et la grâce existent l'une dans l'autre, mais la liberté personnelle peut les séparer, faisant de l'enfer et de la mort des modalités de la condition humaine séparée. Le péché est un « échec ». Seul le Christ – Adam définitif – peut rouvrir à l'homme, à travers même la séparation et l'échec, la voie de la déification ; car il lui ouvre, dans son corps ecclésial, l'espace de l'Esprit et de la liberté.

L'orthodoxie exalte en effet avant tout, dans la personne[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris
  • : directeur du Centre d'études Istina et de la revue Istina
  • : docteur ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)

Classification

Média

Moines du mont Athos (Grèce), vers 1930 - crédits : Three Lions/ Hulton Archive/ Getty Images

Moines du mont Athos (Grèce), vers 1930

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