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ÉGOTISME

Retraduction datant des premières années du xixe siècle du mot anglais egotism par lequel Addison a traduit le mot français « égoïsme », mais qui n'a pas forcément le sens péjoratif que lui prête encore le Rivarol de 1827 d'« habitude blâmable de parler de soi ». Correspondant en anglais à la nécessité d'introduire les pronoms personnels je et moi, ce terme caractérise le genre autobiographique à tendance introspective.

Mot essentiel de la terminologie stendhalienne : les Souvenirs d'égotisme, écrits du consulat de Civitavecchia pour se désennuyer en s'examinant à fond et en apprenant à se connaître, consacrent ce culte du moi, un moi créateur de ses propres valeurs, profondément lié à la vérité de l'instant, conscient aussi de la fiction d'être soi, qui amène à multiplier les masques. L'écriture se confond alors avec la vie : le « journal » recomposé de Stendhal en témoigne, où l'on voit l'écrivain annoter et chiffrer ses pensées en marge de ses manuscrits, de ses propres livres ou de ses lectures favorites (Tite-Live, Lesage, Saint-Simon...). Il faut attendre les générations fin de siècle pour retrouver la notion d'égotisme, qui se colore de morbidité dans l'attention à soi-même de Jules Laforgue ; décadence, ou mieux, décadentisme, contre lequel réagira Barrès dans sa trilogie du Culte du moi (1888-1891), où il prétend conférer à l'égotisme une valeur constructive en en faisant un mode de culture intérieure. De Montaigne et de Pascal à Stendhal, de Stendhal à Laforgue tancé par Barrès, il pourrait y avoir à écrire une instructive histoire de l'égotisme en littérature ; l'ennui est que, pour sembler sérieuse et profonde, une telle étude aurait dû être achevée avant la publication de la première ligne de Freud — et de Proust.

— France CANH-GRUYER

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