ÉGYPTE ANTIQUE (Civilisation) L'écriture
Principes de l'écriture égyptienne
Élaboration de l'écriture
L'écriture égyptienne est essentiellement pictographique, chacun des signes représentant l'objet qu'il signifie. La pictographie a été employée dans un grand nombre de civilisations, mais, alors qu'en Chine ou en Mésopotamie, par exemple, les caractères pictographiques évoluèrent rapidement vers des formes abstraites, les signes hiéroglyphiques restèrent identiques jusqu'à la fin de l'histoire égyptienne. Le hiératique et même le démotique ne sont que des tracés plus rapides des signes hiéroglyphiques.
Tout être, tout objet, qui pouvait être représenté graphiquement a été adopté comme signe d'écriture par les Égyptiens. La faune est uniquement africaine, et les objets appartiennent tous au matériel utilisé en Égypte, ce qui constitue une forte présomption en faveur de l'origine autochtone de l'écriture hiéroglyphique.
Pour écrire « arc », « oie », « sandale », le scribe dessinait un arc, une oie, une sandale. Ce sont alors des signes-mots, ou idéogrammes (du grec ́ιδ́εα, forme), qui retracent la forme de la chose. Ce principe resta inchangé jusqu'à la fin de la civilisation égyptienne. Lorsque, au cours des siècles, l'Égypte eut connaissance d'animaux ou d'objets étrangers à sa civilisation, elle se contenta de dessiner les nouveaux venus, comme le char de guerre, le cheval, le cimeterre.
Jusqu'à un certain point, les actions peuvent aussi être représentées par une image. Pour signifier l'action de courir, le scribe pouvait dessiner un homme en train de courir, pour « nager », un nageur, pour « voler », un oiseau en vol. Toutefois, si ingénieux soit-il, l'homme peut difficilement traduire dans le système pictographique des abstractions comme « se souvenir » ou « aimer ». Pour exprimer ces conceptions, sans pour autant renoncer à la pictographie, le système d'écriture égyptien utilisa deux principes additionnels : l' homophonie et le rébus graphique.
Le principe de l'homophonie est simple : dans la langue parlée, « échiquier » se disait men. Le dessin qui représentait un échiquier fut alors utilisé, d'une part, pour signifier l'objet échiquier, mais aussi pour écrire le son « men » ; le mot abstrait « rester, demeurer », qui se prononçait ainsi, s'écrira donc, lui aussi, par l'échiquier. La « houe » se disait mer, le dessin qui la représente servira de plus à écrire le mot homophone mer « amour ».
L'égyptien écrit, comme l'hébreu et l'arabe, ne comporte pas de voyelles, de sorte qu'il suffisait que l'homophone soit composé des mêmes consonnes que le signe pictographique qui servait à l'écriture. Mais, même ainsi, le nombre d'homophones est limité, et il fallut trouver un moyen d'étendre le procédé à des mots composés. Par exemple, le mot « établir » se disait s(e)m(e)n, pour lequel il n'existait pas d'homophone qui puisse être dessiné ; le scribe utilise alors deux images qu'il accole l'une à l'autre : une pièce d'étoffe pliée qui se lisait s(e), et l'échiquier m(e)n, et l'ensemble des deux se lit alors : s(e) + m(e)n = s(e)m(e)n.
Arrivé à ce stade, le scribe égyptien avait la possibilité d'écrire phonétiquement un très grand nombre de mots de la langue. Il suffisait, en effet, de trouver pour chaque son qui composait le mot un signe-mot ayant le même squelette consonantique. C'est le principe du rébus graphique, dans lequel le mot « chagrin », par exemple, pourrait être décomposé en deux dessins : un « chat » suivi d'un « grain ». Même ainsi, le système présente des imperfections. Il était parfois difficile de trouver les homophones adéquats, ou bien le dessin choisi pouvait prêter à confusion. Dans[...]
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Écrit par
- Jean VERCOUTTER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de l'université de Lille
Classification
Médias