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ÉGYPTE ANTIQUE (Civilisation) La littérature

Les romans

Si le genre historique n'existe pas dans l'Égypte pharaonique, divers récits transposent cependant une réalité qui apparaît assez perceptible. Préfigurant en quelque sorte le roman d'aventures, ils constituent une transition entre la biographie et le conte proprement dit.

Le récit le plus connu est l'Histoire de Sinouhé, qui jouit d'une grande popularité dans l'Égypte ancienne si on en juge par le nombre de copies sur papyrus et ostraca parvenues jusqu'à nous ; d'un style élégant, d'une langue très classique, elle se distingue par l'habileté de la composition. L'emploi de la première personne laisse supposer qu'il s'agit d'une autobiographie romancée. L'action se situe au début de la XIIe dynastie (vers 2000 av. J.-C.). Haut dignitaire, Sinouhé est en campagne avec le prince héritier, quand parvient la nouvelle de la mort d'Amenemhat Ier. Il s'enfuit en Asie, pris de panique pour des raisons obscures, sans doute la crainte d'être compromis dans un complot. Il erre longtemps, triomphe en duel d'un bravache local, puis est recueilli par une tribu de Bédouins, où il finit par occuper une position enviable. Les années passent ; malgré son bonheur, Sinouhé est en proie au mal du pays : il ne peut supporter l'idée d'être enterré chez les barbares, car seul le rituel funéraire traditionnel confère la survie. Répondant à l'appel du roi Sésostris Ier, il retrouve sa patrie avec des transports d'allégresse. « Vêtu désormais de belles étoffes de lin, oint d'huile fine et dormant sur un lit, [...] j'ai été l'objet des faveurs royales jusqu'à ce que vînt le jour du trépas. »

Les Mésaventures d'Ounamon datent de la fin du Nouvel Empire, juste après le règne du dernier Ramesside (vers 1085 av. J.-C.) ; elles sont connues par un papyrus unique, acquis par W. Golenischef et conservé aujourd'hui au musée de Moscou. Chargé d'acheter au Liban le bois nécessaire pour réparer la barque sacrée du dieu Amon de Thèbes, Ounamon rencontre nombre de difficultés : des marins le dévalisent à l'escale de Dor, la ville des Tjeker ; après une simple escale à Tyr, il récupère l'équivalent de trois kilogrammes d'argent dans le coffre du bateau qui le transportait (bateau appartenant à des Tjeker, à coup sûr). Il débarque à Byblos où le retiennent de longs marchandages ; les affronts ne lui sont pas épargnés. Le roi de Byblos se fait prier pour livrer le bois demandé et exige de l'Égypte un complément de présents ; enfin Ounamon se rend à Chypre ; mais la fin du récit est malheureusement perdue. D'allure picaresque et visiblement arrangée, la narration semble inspirée directement du rapport officiel qu'Ounamon a pu rédiger au retour de sa mission au Liban ; ce reportage d'un style clair, parfois brillant, est aussi un incomparable document d'histoire internationale et économique.

Un tel roman historique n'est pas isolé. On peut citer, dans une perspective un peu différente, le Récit de la prise de Joppé ; au cours d'une campagne de Thoutmosis III (vers 1475 av. J.-C.), le général Djehouty introduit ses hommes, cachés dans de grands paniers, à l'intérieur d'une place forte syrienne dont il s'empare ainsi (stratagème qui se retrouvera dans l'histoire d'Ali Baba et des quarante voleurs). On ne sait en revanche à quel contexte historique font allusion quelques fragments publiés du Conte de Neferkarê et du général Sisene ; le roi se rend subrepticement, de nuit, chez son général ; il est l'objet d'une filature ; le récit ne cache pas les actes répréhensibles auxquels il se livre. S'agit-il là d'une satire politique ou d'une fabulation autour d'un interdit propre à la ville de Memphis ?

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Écrit par

  • : secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres

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Médias

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