ÉGYPTE ANTIQUE (Civilisation) La littérature
Les « sagesses »
Les recueils d'« enseignements » constituent le domaine le plus typique de la littérature égyptienne et sans doute aussi le plus prisé. Ounamon, l'envoyé égyptien, recevait déjà cet aveu du prince phénicien de Byblos : « C'est d'Égypte qu'est sortie la sagesse pour atteindre le pays où je suis. » Maximes et conseils abondent dans les contes et les poèmes. Cependant les « sagesses », dont l'existence est attestée au début de la IIIe dynastie (vers 2700 av. J.-C.) jusqu'à l'époque gréco-romaine, forment une catégorie en soi, sortes de testaments spirituels et d'ouvrages éducatifs écrits pour un fils, un disciple ou simplement les générations à venir que des hommes avertis voudraient faire profiter de leur longue expérience. Ce sont d'ailleurs les seules œuvres égyptiennes pour lesquelles soient indiqués des noms d'« auteurs ». Leur contenu est varié : en maximes indépendantes, de plusieurs vers chacune, groupées en chapitres, sont fournis des préceptes moraux, politiques ou religieux, mais aussi des règles de savoir-vivre ou des conseils à suivre dans les situations délicates.
Il est regrettable que les Maximes d'Imhotep, vizir et génial architecte de Djoser, premier roi de la IIIe dynastie, n'aient pas été retrouvées. La plus ancienne sagesse connue demeure donc celle qui, à la fin de la IIIe dynastie, fut adressée à Kagemni, qui devint lui-même vizir sous Snéfrou, fondateur de la IVe dynastie ; son auteur a été identifié : il se nomme Kaïres ; on y trouve juxtaposées des recettes de bonne tenue à table et des recommandations de ne pas encourir la colère divine par un orgueil démesuré et l'opposition à Maât. Seul est conservé le début de l'Enseignement du prince Djedefhor (ou Hordjedef), fils de Chéops, le constructeur de la grande pyramide de Giza. Les Maximes de Ptahhotep, vizir du pharaon Isési de la Ve dynastie, furent peut-être le texte littéraire égyptien le plus difficile à traduire ; l'édition exemplaire de Z. Zába, accompagnée d'un commentaire précis et documenté, l'a désormais rendu accessible.
Les sagesses de la fin de la première période intermédiaire et du début du Moyen Empire témoignent de préoccupations autant politiques que proprement morales. Dans les Enseignements du roi Akhty à son fils Mérikarê (Xe dynastie héracléopolitaine) se manifeste aussi un véritable souci d'éthique :
Fais le bien tant que tu es sur terre. Soulage l'affligé, n'opprime pas la veuve, N'expulse personne du domaine de son père [...] Alors cette terre sera bien établie. Laisse la vengeance à Dieu.
Mérikarê doit devenir non seulement un homme mais un roi ; aussi une partie de l'œuvre constitue-t-elle le testament politique d'Akhty, où se reflète le profond pessimisme de cette époque troublée. Le problème de la morale politique est posé : le souverain est responsable devant ses sujets.
Malgré son titre, l'Enseignement d'Amenemhat Iern'est pas l'œuvre du pharaon de la XIIe dynastie ; il a été écrit par un scribe nommé Khéty pour le futur pharaon Sésostris Ier. Les exemples qui illustrent les conseils sont tirés de la vie d'Amenemhat Ier : le roi décrit lui-même son assassinat qu'il attribue à sa trop grande confiance et à l'ingratitude des hommes.
Le même Khéty est l'auteur du texte traditionnellement connu sous le nom de La Satire des métiers, qui jouit d'un grand succès dans l'Égypte ancienne : sur le chemin de l'école, Khéty tente d'encourager son fils à l'étude en lui décrivant les avantages du lettré et en dépréciant les occupations manuelles, dont il montre les multiples désavantages : « Il n'est aucun métier où l'on ne soit pas commandé, sauf celui de fonctionnaire. Il est celui qui commande. »[...]
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Écrit par
- Jean LECLANT : secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
Classification
Médias