ÉGYPTE ANTIQUE (Civilisation) La littérature
Les derniers siècles
Devant les dernières vicissitudes politiques de leur histoire et les déceptions de l'occupation étrangère, les Égyptiens se tournent avec regret vers un passé glorieux, qu'ils essaient de faire revivre en des œuvres archaïsantes s'inspirant de la langue et de l'écriture du Moyen Empire. Les Oracles du Potier, le Songe de Nectanébo ou la Chronique démotique sont des pseudo-prophéties qui devaient redonner aux Égyptiens l'espoir de jours meilleurs. Le Mythe de l'œil solaire décrit les voyages hivernaux du Soleil vers le sud avant qu'il ne regagne l'Égypte au printemps. Les sagesses sont toujours un genre très apprécié. Les biographies gravées dans les tombes des notables continuent à idéaliser l'image et la vie du défunt, sans faire allusion aux difficultés traversées par l'Égypte ; aussi le cas de l'amiral Oudja-Horresnet est-il une exception, puisqu'on est mis au courant de ses relations avec l'envahisseur Cambyse et de son voyage en Perse. Les réflexions que Pétosiris, grand-prêtre d'Hermopolis (vers 350 av. J.-C.), fit graver dans sa tombe frappent par leur grande ferveur personnelle et l'immense confiance en Dieu dont elles témoignent.
À côté de cet aspect traditionnel, on décèle dans la littérature égyptienne des influences grecques dès l'époque saïte (663-525 av. J.-C.), c'est-à-dire bien avant l'épopée d'Alexandre et les Ptolémées. Elles sont sensibles dans les romans épiques alors en vogue, comme le Cycle de Pétoubastis, qui fait des emprunts à Homère, ou encore dans les Aventures de Khaemouaset, où le fils de Ramsès II est considéré désormais comme un maître en magie.
Si l'Égypte, en ses derniers temps, a reçu des apports de la Grèce, elle a inversement beaucoup donné à la civilisation hellénique. Les romans grecs, la littérature orphique ou pythagoricienne s'inspirent de la vallée du Nil ; le thème du carpe diem gréco-romain a des antécédents dans les chants des harpistes ; dans la poésie des élégiaques latins se reconnaissent les topoi du chant du point du jour ou les lamentations à la porte de l'amante (paraklausithyron) ; jusque dans la Grèce moderne, un conte où les personnages principaux se nomment Équité et Iniquité rappelle celui de Vérité et Mensonge. Sans doute est-il plus difficile de discerner les emprunts des fables classiques à l'Égypte : un texte égyptien raconte la dispute entre la tête et les membres, thème qu'on rencontre dans la fable de Menenius Agrippa. Malheureusement, nous ne connaissons l'existence d'autres fables de la vallée du Nil que par des illustrations sur papyrus et ostraca : la chèvre qui danse devant le loup musicien, sujet qu'on retrouve dans une fable d'Ésope ; les souris qui partent en guerre contre le chat ou, dans un monde inversé, les souris servies par des chats.
Les contes égyptiens ont enfin leurs prolongements dans certaines traditions coptes et dans la littérature arabe. Le souverain qui essaie de tromper son ennui en se faisant raconter des histoires évoque maints despotes des contes orientaux. Nous avons noté au passage les similitudes du Naufragé et de Sindbād le Marin, des paniers de La Prise de Joppé et des jarres d'Ali Baba. Et les tribulations du Prince prédestiné trouvent de lointains échos en notre Belle au bois dormant. Sans doute de nouvelles recherches permettraient-elles de mettre en évidence d'autres corrélations. La plus ancienne littérature universelle offre ainsi des résonances jusqu'au cœur de la civilisation occidentale.
Le problème de l'origine de la langue égyptienne a suscité longtemps des controverses entre les spécialistes qui la rapprochaient des parlers sémitiques et les partisans de son appartenance au domaine linguistique africain. Ces querelles sont aujourd'hui dépassées[...]
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Écrit par
- Jean LECLANT : secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
Classification
Médias