ÉGYPTE ANTIQUE (Civilisation) La religion
Magie et morale
La force magique
La religion, culte des dieux ou religion funéraire, est tout imprégnée de magie. C'est ainsi que les Égyptiens attribuent une puissance profonde au nom : connaître le nom d'un dieu ou d'un ennemi, c'est avoir pouvoir sur lui. Prêtres et particuliers ne se privent pas d'utiliser la magie. Les Textes des pyramides, entre autres, vont jusqu'à placer le Mort royal au-dessus des dieux : « C'est lui [le roi mort] qui absorbe la force magique [des dieux] et avale leur puissance. Les grands dieux sont pour son repas du matin, les moyens pour celui du soir, et les petits pour son souper nocturne. » D'autres opérations magiques utilisent aussi le pouvoir contraignant qu'implique la connaissance du nom : dès l'Ancien Empire, on inscrit les noms des ennemis de Pharaon sur des vases ou sur des statuettes qui sont ensuite brisés ou « tués » et enterrés.
Les particuliers n'hésitent pas à adresser des « lettres aux Morts », leur demandant d'intervenir dans leurs affaires, ce qui est d'ailleurs logique puisqu'il n'y a pas de rupture entre monde des vivants et outre-tombe. Ces lettres, écrites sur des poteries, parfois sur papyrus, sont déposées dans la tombe. Une autre méthode entremêle magie et religion en versant de l'eau sur une statue couverte de figurations de dieux et de formules appropriées ; en passant sur les images divines et les textes, l'eau s'imprègne de leur puissance, et il suffit alors d'absorber cette eau pour assimiler les textes. Cette pratique pouvait immuniser contre des dangers terrestres (piqûres de scorpion, morsure de serpent) ou surnaturels (hostilité d'un dieu ou d'un génie malfaisant, voire d'un revenant).
À côté de la puissance du nom existe donc la puissance de l'image : toute représentation d'un être ou d'un objet participe de cet être ou de cet objet ; de là le pouvoir des amulettes, portées par les vivants ou placées sur la momie, et représentant des divinités ou des objets chargés de force magique. Celui qui porte cette image met sa puissance à son propre service.
La civilisation égyptienne n'a pas cru à l'astrologie. Celle-ci, en effet, n'apparaît qu'à l'époque gréco-romaine, et vient de l'étranger. En revanche, les Égyptiens croyaient au rapport entre les événements mythologiques et la vie quotidienne ; ils dressèrent de véritables calendriers des jours fastes et néfastes, selon les aventures heureuses ou malencontreuses des divinités. De même, ils pensaient que les rêves nous instruisent de l'avenir, et ils ont composé des clefs des songes. Si un rêve annonçait un malheur, celui-ci pouvait être écarté par un recours à Isis, la suprême magicienne.
La probité de la vie terrestre
Bien qu'une grande partie des croyances funéraires relève autant, sinon plus, de la magie que de la religion, la morale est loin d'en être absente. Elle apparaît particulièrement dans la religion osirienne. Osiris est un dieu juste et bon, un de ses surnoms est Ounennefer, « l'être continuellement bon » ; pour être admis dans le royaume des Morts dont il est le souverain, il convient donc de pratiquer bonté et justice durant la vie terrestre. Ce souci se révèle surtout à partir du Moyen Empire, période qui coïncide avec le développement de la religion osirienne. Les phrases qui reviennent alors le plus souvent sur les stèles funéraires sont : « J'ai donné du pain à celui qui avait faim, de l'eau à celui qui avait soif, un vêtement à celui qui était nu [...] j'ai fait vivre les affamés de ma province », ou encore : « J'ai protégé le faible de l'emprise du puissant. »
La nécessité de pratiquer la justice pendant la vie sur terre, pour mériter la survie dans l'au-delà, s'affirme au Nouvel Empire[...]
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Écrit par
- Jean VERCOUTTER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de l'université de Lille
Classification
Médias