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ÉGYPTE ANTIQUE (Histoire) L'Égypte ptolémaïque

L'Égypte hellénistique

Les jugements portés sur cette organisation du royaume des Ptolémées ont varié. C'est qu'il n'est pas aisé de définir les buts des souverains lagides, qui n'avaient pas seulement à exploiter l'Égypte, mais à étendre leur influence dans le monde méditerranéen et oriental. Pour U. Wilcken, « le but de la domination ptolémaïque en Égypte fut de tirer du pays le plus de richesses possible, pour mettre, à l'aide de ces ressources, une flotte et une armée puissantes en état de jouer le rôle le plus important dans la politique méditerranéenne internationale. Nous ne devons jamais perdre de vue qu'à l'intérieur de ce puissant empire, l'Égypte n'est considérée par les Ptolémées que comme la source principale de leurs revenus ; le but de leur politique est tout à fait en dehors de l'Égypte. »

Certes, l'histoire de leurs conquêtes, fertiles en retournements de fortune, permettrait d'illustrer cette thèse. Mais, rappelle P. Jouguet, M. Rostovtzeff a soutenu que « l'idée directrice de la politique lagide fut de créer un puissant État égyptien, assez riche et assez fort pour être indépendant et à l'abri de toute tentative de conquête venue du dehors ». C'est pourquoi les souverains ptolémaïques auraient tant veillé à rester maîtres de la mer et à commander les routes d'approche de l'Égypte. Ainsi, selon P. Jouguet, les Lagides, dans l'interprétation de U. Wilcken, auraient pratiqué un impérialisme offensif imité des Macédoniens, une Weltmachtpolitik ; au contraire, d'après Rostovtzeff, ils n'auraient conçu qu'un impérialisme défensif et de caractère économique, cherchant seulement la sécurité et la prospérité de l'État égyptien, tandis que l'Empire n'en aurait été que le moyen. À vrai dire, les deux thèses se complètent et donnent la mesure des ambitions des Ptolémées.

La grandeur et la précarité de l'Égypte ptolémaïque ne sont que le résultat de cette ambiguïté de dessein : il fallait à la fois que, par une organisation efficace, l'Égypte devînt la plus forte des monarchies hellénistiques et qu'elle évitât de succomber aux dangers auxquels l'exposaient sa richesse et sa soif de conquêtes. L'économie égyptienne, essentiellement agricole, ne pouvait se tenir à l'écart du vaste brassage commercial qui caractérise le monde hellénistique. Par exemple, pour trouver le bois, qui lui faisait tant défaut, ou de l'or, ou bien les produits des Indes ou de l'Asie, force lui était de tourner ses regards vers des territoires qu'il était tentant d'annexer. Certaines aventures, syriennes ou chypriotes, ne tournèrent pas à l'avantage de l'Égypte, mais elles étaient incluses dans son destin, et lui faisaient payer en quelque sorte la rançon de la réussite. Le jeu des ambitions rivales, des alliances d'occasion, des luttes monarchiques accrut encore les risques que ce pays dut assumer. Sans doute est-ce Cléopâtre qui conçut pour son pays le destin le plus grandiose, comme le plus aventureux. Il n'est donc pas étonnant que la souveraine ptolémaïque la plus prestigieuse ait été le dernier roi d'Égypte.

— André BERNAND

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon

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Sarcophage momiforme, Akhmim, Égypte - crédits :  Bridgeman Images

Sarcophage momiforme, Akhmim, Égypte