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ÉGYPTE L'Égypte arabe

L'anticalifat des Fatimides

Il peut paraître étrange de parler d'opinion publique : de toute évidence, ce ne sont pas les nations qui, dans le Moyen Âge islamique, ont joué le rôle essentiel. Les crises ne sont pas provoquées par un souci de réformes ni par un désir de progrès, seuls se manifestent des appétits de pouvoir. En outre, il n'existe nulle trace de cette forme de solidarité qu'on appelle l'esprit civique. On trouve surtout des personnalités de premier plan, ayant compris et s'efforçant de mettre en valeur l'importance politique ou géographique d'une région.

Établissement de la dynastie fatimide

Mais voici que soudain des révolutionnaires s'avisent de conquérir les sympathies des populations. Des émissaires de premier ordre travaillent tous les milieux, par des arguments appropriés suivant les cercles où devait s'insinuer la propagande, en faisant appel aux soulèvements les plus variés, religieux, sociaux ou raciaux. Il s'agit du mouvement des Carmathes, qui fit régner la terreur dans tout le monde musulman. Entretenant partout des intelligences, même dans les armées mobilisées pour lutter contre eux et qu'ils mettaient en déroute, ces sectaires réussirent à bloquer Bagdad et à s'emparer de La Mecque, dont ils enlevèrent la Pierre noire, joyau de la Ka‘ba. On connaissait mal leur chef, qui se révéla un beau jour, en revendiquant le califat au nom du légitimisme, être un descendant du calife Ali, gendre et cousin du Prophète.

L'entreprise carmathe, terroriste dans tout l'Orient, organisée sous une forme gouvernementale en Afrique du Nord, se révélait un danger pour l'islam orthodoxe. Ainsi, sous la pression des événements politiques et sociaux, les conceptions de l'Orient avaient évolué. Un fait caractéristique va dominer la fin du xe siècle et tout le xie siècle : les populations étaient invitées à se préoccuper de questions qui, auparavant, se réglaient sans elles, sunnisme ou shi‘isme, tradition ou révolution.

En Égypte, l'avènement de la dynastie fatimide (969) fut peu banal, et il ne semble pas que nous connaissions un autre exemple de changement de gouvernement aussi brusque que pacifique. Sans doute plusieurs invasions avaient été tentées sans succès contre le territoire égyptien, mais, après leurs échecs, les Fatimides préférèrent utiliser la propagande. La situation de ce qui reste de l'empire califien, dirigé depuis Bagdad, n'est pas brillante et les Abbassides ne peuvent plus tenir l'Égypte. Les Fatimides se bornent à y fomenter des rébellions militaires et restent dans une inaction apparente vis-à-vis de leurs voisins. Au moment décisif, une armée formidable, venant de l'Occident, s'empare du pays sans rencontrer de résistance. Du rang de colonie, l'Égypte passe à celui d'État indépendant, mais ses maîtres sont shi‘ites et un schisme s'installe dans la vallée du Nil. Les Fatimides, qui avaient besoin d'une résidence royale, fondèrent Le Caire, au nord de Fostat (juill. 969).

Le souci primordial de leur politique fut de disperser les Carmathes, auxquels ils devaient un trône : depuis qu'ils étaient les maîtres d'un territoire riche et habité par un peuple calme, l'alliance avec eux devenait compromettante ; il importait de les désavouer et de les combattre au nom de l'ordre moral. L'armée fatimide infligea aux révolutionnaires plusieurs défaites et finit par les chasser de Syrie. Les Fatimides devaient rester solidement implantés en Égypte et en Palestine, et ils obtinrent sporadiquement une allégeance nominale des villes saintes d'Arabie. Enfin, au milieu du xie siècle, le calife abbasside de Bagdad dut quitter sa capitale, administrée pendant douze mois par un officier partisan des Fatimides. Pour utiliser une expression moderne, les régions comprises[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur honoraire au Collège de France

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Médias

1000 à 1100. Seldjoukides - crédits : Encyclopædia Universalis France

1000 à 1100. Seldjoukides

1200 à 1300. L'Asie des Mongols - crédits : Encyclopædia Universalis France

1200 à 1300. L'Asie des Mongols