ÉGYPTE L'Égypte coloniale
Muḥammad ‘Alī
Ce départ laisse deux adversaires en présence. D'un côté, les Turcs veulent recouvrer leur autorité légale, de l'autre, les Mamelouks entendent reprendre le pouvoir. Les Anglais, entre les deux rivaux, prétendent au rôle d'arbitre. N'aspirant qu'à en déloger les Français, ils ne cherchent pas à se maintenir dans le pays. Le 11 mars 1803, les troupes anglaises quittent Alexandrie peu après qu'un représentant du sultan de Constantinople fut redevenu gouverneur de l'Égypte. Mais celui-ci, harcelé par ses rivaux, ne tarde pas à être destitué par Muḥammad ‘Alī (Méhémet Ali), général de la brigade des Albanais, qui pactise avec les chefs mamelouks.
Les ulémas, toutefois, ne se résignant pas à perdre le droit, récemment retrouvé, de participer à la gestion du pays, se soulèvent dans la capitale contre les abus des chefs mamelouks. Muḥammad ‘Alī, avec ses Albanais, se range alors à leurs côtés contre ses anciens alliés. À la suite d'une supplique des ulémas demandant à la Porte Muḥammad ‘Alī pour pacha d'Égypte, il est agréé par le sultan et devient le chef du pays le 9 juillet 1805.
Pendant près de six ans, le nouveau pacha cherche à affermir son autorité. Il attaque les Mamelouks dont il finit d'anéantir la puissance. Il écarte également, en les condamnant à mort ou en les exilant, les principaux ulémas, instruments de sa prodigieuse promotion.
Politique extérieure
La Porte fait pression pour l'entraîner dans les guerres où elle est engagée. Dans l'espoir de recevoir les faveurs de son suzerain sous forme d'acquis territoriaux, par ambition personnelle et amour du prestige aussi, Muḥammad ‘Alī accepte. Pendant sept ans, de 1811 à 1818, ses troupes combattent les Wahhābites d'Arabie et occupent les villes saintes de l'Islam : La Mecque et Médine (1812). Mais l'occupation, pour prestigieuse qu'elle soit aux yeux des musulmans du monde entier, épuise l'Égypte et suscite l'hostilité de l'Angleterre inquiète pour la sécurité de la route des Indes.
De 1820 à 1823, enhardi par ses succès, le pacha attaque pour son compte le Soudan. Il veut contrôler le cours supérieur du Nil, les relais des caravanes en provenance d'Afrique centrale, ouvrir de nouveaux marchés à sa jeune industrie et pourvoir son armée en esclaves noirs. Après avoir fondé Khartoum en 1822, il conquiert l'est du pays jusqu'à la mer Rouge dont la plus grande partie est, dès lors, placée sous la domination égyptienne, ce qui n'était pas fait pour améliorer les sentiments de l'Angleterre à l'égard du pacha.
De 1823 à 1827, il participe à la campagne de Grèce, à la demande du sultan, en Crète (1823) et en Morée (1825-1826). Alliées à la Grèce, la France, l'Angleterre et la Russie détruisent la flotte turco-égyptienne dans la baie de Navarin (20 octobre 1827). En dédommagement de la perte de sa marine, Muḥammad ‘Alī réclame des compensations territoriales, nommément la Syrie ; le sultan refuse.
Dès 1831, il décide d'envahir la Syrie. L'armée est dirigée par son fils aîné et héritier Ibrāhīm, aidé de Soliman pacha (le colonel français Joseph Sève, né à Lyon en 1788). Les conquêtes sont foudroyantes. Après avoir défait les troupes turques, l'armée égyptienne menace Constantinople et tout l'Empire ottoman, en août 1832. Le sultan s'incline. Par la paix de Kütahya, en mai 1833, le pacha obtient la Palestine, toute la Syrie et le district d'Adana. Son domaine s'étend du sud du Soudan aux frontières de l'Anatolie. Une telle expansion irrite les puissances européennes, et en particulier l'Angleterre. Celle-ci, afin d'assurer la sécurité de son commerce avec l'Extrême-Orient, occupe Aden en 1838.
En 1839, encouragée par l'Occident, la Porte[...]
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Écrit par
- Nada TOMICHE : agrégée, docteur ès lettres, professeur des Universités, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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Médias