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EICHMANN À JÉRUSALEM, Hannah Arendt Fiche de lecture

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Lorsque la philosophe Hannah Arendt (1906-1975) apprend qu’Adolf Eichmann, l’un des principaux organisateurs de la Shoah, a été kidnappé en Argentine (1960) pour être jugé en Israël, elle propose au magazine The New Yorker de couvrir ce procès hors normes. S’ensuit une série de reportages qui deviendra Eichmann à Jérusalem. Le livre paraîtra aux États-Unis en 1963 et en France en 1966. Son sous-titre – Rapport sur la banalité du mal – éclaire en partie la controverse que le compte rendu d’Arendt suscite immédiatement, certains lui reprochant notamment de minimiser les crimes commis sous le régime nazi. Au fil du temps, cette controverse se mue en un débat plus policé bien que toujours vif, dans lequel diverses interprétations de la pensée d’Arendt se font face.

Un procès historique

Eichmann à Jérusalem restitue les principales étapes du procès ayant conduit à la condamnation d’Adolf Eichmann à la peine de mort, ce dernier ayant été reconnu coupable notamment de crimes de guerre, de crimes contre le peuple juif et de crime contre l’humanité. L’ouvrage suit en grande partie l’ordre chronologique de ce que les dirigeants nazis ont appelé avec cynisme la « Solution finale » de la question juive en Europe. Les projets d’évacuation sont ainsi abordés avant la mise en œuvre, durant la Seconde Guerre mondiale, de la décision visant à l’extermination du peuple juif européen. À chaque étape, Arendt se concentre sur le rôle de l’accusé depuis son adhésion au parti nazi et son enrôlement dans la SS jusqu’à ses agissements en tant que membre du service chargé, au sein de l’administration du IIIe Reich, de mettre en œuvre les décisions prises en la matière. Seul un Post-scriptum ajouté par Arendt lors de la seconde édition de l’ouvrage, afin de réagir à certains éléments de la polémique, dépasse le cadre strict du procès.

Durant la longue et féroce controverse que provoque la parution de son rapport, les reproches adressés à Arendt le sont à deux niveaux : celui de la forme, du ton – qualifié d’ironique, hautain ou inapproprié – et celui du fond. À ce dernier égard, trois grandes thématiques peuvent être identifiées. Primo, il lui est fait grief d’avoir critiqué de manière injustifiée le rôle des conseils juifs – à savoir les organisations représentatives des Juifs – durant les années de persécution et d’extermination : Arendt estime que ces derniers ont collaboré avec les autorités allemandes au-delà de ce qui était nécessaire. Secundo est mise en cause sa dénonciation de l’instrumentalisation politique du procès par l’État d’Israël. Tertio sont soumises à la critique sa façon d’aborder la personnalité d’Eichmann et la thèse corrélative de la banalité du mal.

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Écrit par

  • : docteur en sciences juridiques, chercheur au Centre de recherche et d'information socio-politiques, Bruxelles, collaborateur scientifique au Centre de droit public et social de l'université libre de Bruxelles (Belgique)

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