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EITOKU KANŌ (1543-1591)

Le peintre Kanō Eitoku est l'incarnation de l'époque Momoyama (fin du xvie s.), au cours de laquelle des guerriers ambitieux tentèrent d'unifier le Japon, déchiré et ravagé par les luttes intérieures qui menaçaient l'équilibre de la société. Hommes nouveaux, Nobunaga, chef d'un petit fief provincial, et Hideyoshi, d'origine paysanne, se montrèrent soucieux d'affirmer leur prestige par la somptuosité de leurs résidences et par leur vie luxueuse. Eitoku décora leurs demeures, créant un style bientôt classique et qui restera, malgré un certain académisme, celui de l'école officielle des shōgun Tokugawa jusqu'en 1868.

Au service des daimyō

Eitoku était le petit-fils de Kanō Motonobu (1476-1559), peintre officiel de la cour des Ashikaga. Artiste éclectique, Motonobu avait su concilier l'emploi de la peinture à l'encre, à la mode chinoise, hérité de son père Masanobu, avec les couleurs vives de l'école Tosa, gardienne à la cour impériale des traditions du Yamato-e, la peinture nationale du Japon, élaborées au cours de l'époque Heian.

De son vrai nom Genjirō, le peintre eut plusieurs noms de pinceau : Kuninobu, Eitoku.

En 1576, Eitoku est désigné pour assurer la décoration intérieure du château fort d'Azuchi, que le daimyō Nobunaga faisait ériger sur la rive est du lac Biwa. Disparue dans les flammes dès 1582, cette résidence grandiose a laissé dans l'esprit des contemporains un souvenir impérissable. Pour les vastes appartements officiels éclairés faiblement par la lumière du jour, Eitoku créa le dami-e : peinture en couleurs vives et opaques (empruntées aux Tosa) sur un fond doré, analogue à celui des paravents. Des cernes épais et souples entouraient ces compositions aux tons contrastés. Les peintures, exécutées sur papier blanc, étaient ensuite entourées de rectangles de papier doré, découpés et collés sur le fond. Ce fut également un trait de génie de l'artiste que de consacrer chacune des grandes salles à un seul thème floral : fleurs de prunier, pivoines, érables rouges, évocateurs de la succession des saisons à laquelle les Japonais ont toujours été très sensibles.

Après la mort de Nobunaga, son lieutenant Hideyoshi s'empare du pouvoir ; grand bâtisseur, il associe Eitoku à sa gloire. Il subsiste peu de vestiges de ces immenses ensembles. Le rayonnement d'Eitoku resta si grand, au cours des siècles qui suivirent, que de nombreux moines de Kyōto attribuèrent au peintre une partie des décors de leurs monastères. La tradition des moines du Daitokuji reconnaît dans le décor du Jukōin le travail conjoint d'Eitoku et de son père Shōei. Ces seize portes à glissière sont centrées sur deux grandes compositions, l'une représentant un prunier en fleur où perchent des oiseaux, l'autre un pin au tronc tordu auprès duquel se tient une grue. L'influence de Motonobu est encore visible dans le choix des thèmes, mais la touche souple et ferme atteste un dynamisme inconnu jusqu'alors.

Autre peinture de jeunesse, une paire de paravents, composés chacun de six feuilles représentant des vues de la capitale et de ses alentours, et connus sous le nom de Rakuchū-Rakugai zu byōbu. Le style précis des bâtiments rehaussés de couleurs vives s'allie à la vivacité d'une multitude de personnages. L'œuvre est très proche de la tradition des Tosa, mais celle-ci est revivifiée par le tempérament du peintre.

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Écrit par

  • : ancien maître de recherche au CNRS, professeure honoraire à l'École du Louvre, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet

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  • JAPON (Arts et culture) - Les arts

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    ...la présence des Portugais, porteurs du message de l'Occident. Pour décorer son château fort d'Azuchi au bord du lac Biwa, Nobunaga fait appel à Kanō Eitoku, descendant des peintres de l'atelier des Ashikaga. L'artiste entoure d'un cerne épais les vives couleurs de ses compositions très variées....