DE KOONING ELAINE (1918-1989)

Son activité de critique d’art et surtout son attachement indéfectible à la figuration font d’Elaine de Kooning une figure singulière de l’expressionnisme abstrait.

Née le 12 mars 1918 à Brooklyn, Elaine Fried dessine dès l’enfance, encouragée par sa mère qui l’emmène dans les musées et les galeries. Elle étudie les mathématiques au Hunter College de New York avant de rejoindre la Leonardo da Vinci Art School, dans l’atelier de Conrad Marca-Relli, puis l’American Artists School, un cursus plus conforme à ses aspirations. En 1938, grâce à l’un de ses enseignants, elle fait la connaissance du peintre Willem de Kooning (1904-1997) qui devient lui-même son professeur de dessin. Ils se marient en 1943.

Les premières œuvres d’Elaine de Kooning portent l’influence du cubisme. Elle s’intéresse à des genres traditionnels de la peinture : la nature morte, le portrait et l’autoportrait. Au cours des années 1940, elle expérimente une facture plus libre. Bientôt, elle crée des portraits très gestuels de ses proches et de personnalités influentes de la scène artistique new-yorkaise, où elle mêle une certaine conception de la ressemblance à une grande liberté de la touche et de la couleur. Elle entame également une vaste série ayant pour thème les joueurs de basket, à laquelle elle travaillera pendant quarante ans.

Dans ses portraits, ceux de son époux (Willem de Kooning, vers 1952, Washington, National Portrait Gallery),du critique d’art et poète Harold Rosenberg (1956, Washington, National Portrait Gallery) ou du collectionneur Jack Greenbaum, la figure fusionne avec son environnement, par l’usage de coups de pinceau éclatés à la périphérie de la toile, qui donnent la même importance à l’ensemble de la surface du tableau, selon la technique dite all-over. À ce propos, elle écrit en 1959 : « Le portrait m’a toujours fascinée […]. Je suis captivée par le mouvement de la silhouette […], l’illumination instantanée qui permet de reconnaître son père ou un ami à trois pâtés de maisons […]. En travaillant la figure, je voulais que la peinture emporte la figure avec elle, […] je voulais que la peinture balaye, contourne, par-dessus et au-delà, pour supprimer les contours et engloutir les silhouettes » (« Statement », The Spirit of Abstract Expressionism. SelectedWritings, New York, 1994). Cette approche singulière lui vaut la commande en 1962 d’un portrait officiel de John F. Kennedy (1963, Washington, National Portrait Gallery) pour lequel elle exécute de très nombreuses études.

À New York, dès la fin des années 1940, Elaine de Kooning participe à ses premières manifestations collectives, telles que Man and Wife  (Sidney Janis Gallery, 1949), Ninth Street Show (Leo Castelli Gallery, 1951) ou Young American Painters, expositionitinérante organisée par le Museum of Modern Art (1956-1958), tout en bénéficiant d’expositions personnelles à la Stable Gallery en 1953, 1954 et 1956. Parallèlement, elle écrit des textes critiques pour le magazine ARTnews consacrés à des artistes tels que Josef Albers, Arshile Gorky, Franz Kline, Jackson Pollock, Mark Rothko ou encore David Smith.

En 1958-1959, elle obtient un poste d’enseignante à l’université du Nouveau-Mexique et emménage à Albuquerque. Le choc esthétique produit par la découverte des paysages néo-mexicains (la vivacité des couleurs et l’étendue désertique)  choc ressenti par de nombreux artistes et écrivains avant elle, à l’exemple de Georgia O’Keeffe ou de D. H. Lawrence  la conduit à éclaircir sa palette et à travailler sur des formats plus grands. Elle assiste également, à Ciudad Juárez (Mexique), à des combats taurins qui lui inspirent une importante série de dessins, d’aquarelles et de tableaux, dans laquelle elle poursuit sa réflexion sur le rythme, l’expressivité et l’abstraction (Bullfight, 1959, Denver Art Museum).[...]