ÉLASTICITÉ, économie
Notion qui fut cernée par Léon Walras (1834-1910) et Alfred Marshall (1842-1924), et mise en lumière par l'économiste français Augustin Cournot (1801-1877). Ce dernier conteste le théorème de base des auteurs classiques, lesquels considéraient une fois pour toutes que « le prix des choses est en raison inverse des quantités offertes et en raison directe des quantités demandées ». Cournot s'attache à envisager les fonctions des produits : pour les biens manufacturés, affirme-t-il, la demande doit varier plus que le prix, tandis que pour les choses les plus nécessaires, comme pour les plus superflues, la demande varie peu en comparaison des prix. C'est de cette façon que la notion d'élasticité fait son entrée dans le raisonnement économique.
L'élasticité se définit, dès lors, comme un rapport existant entre les variations absolues ou relatives de deux phénomènes économiques. Cette notion va jouer un rôle primordial dans la connaissance économique, car elle permet d'approfondir la recherche de relations fondamentales. C'est dans le domaine des prix et des revenus que l'élasticité revêt la plus grande signification.
L'élasticité de la demande par rapport aux prix (ou élasticité directe) exprime la réaction de la demande aux variations de prix. Elle se définit comme le rapport entre le pourcentage de variation de la quantité demandée et le pourcentage de variation de prix. Le signe de l'élasticité est, dans ce cas, nécessairement négatif puisque prix et quantités changent dans des directions opposées. Le signe ne sera positif que dans certaines situations (exemple du « paradoxe de Giffen », où une augmentation du prix du pain se traduit par une augmentation de la consommation de ce bien, car la capacité d'acheter d'autres produits diminue et les consommateurs de condition très modeste se replient sur des produits très courants). La demande d'articles de première nécessité est faiblement élastique, les prix font peu varier les quantités achetées. Les produits de grand luxe, accessibles à une très petite catégorie de consommateurs très aisés, sont eux aussi peu élastiques car la modification du prix fait peu varier le volume des achats. À l'inverse, les biens de consommation de demi-luxe sont très élastiques. Ce sont en général des produits achetés en grande partie par la classe moyenne, dont le comportement est plus rationnel que celui de la classe ouvrière et que celui de la grande bourgeoisie. La rationalité du comportement augmente l'élasticité, de même que l'existence de biens substituts. Une hausse de prix de la viande de bœuf peut faire diminuer considérablement la demande de ce produit au profit d'autres articles qui peuvent jouer le rôle de substituts, comme par exemple la viande de porc. Dans ce cas précis, une hausse même légère du prix du bœuf peut faire varier la demande dans des proportions très fortes.
Le rapport exprimant l'élasticité de l'offre est toujours positif. Cette élasticité est fonction des stocks existants, des possibilités d'accroître la production et de la longueur de la période envisagée (en longue période, l'élasticité est plus forte que dans un court laps de temps). L'élasticité peut aussi s'appliquer à l'ensemble des éléments d'une économie. Dans ce cas, elle peut être un des moyens de la prévision. L'élasticité d'anticipation, particulièrement, est d'un grand intérêt dans les situations inflationnistes, car elle permet d'établir le rapport qui existe entre l'évolution future d'un prix (tel qu'un agent économique peut l'envisager) et l'évolution passée de ce prix pour une période identique. La connaissance de ce rapport est utile pour prévoir les comportements des ménages et des entreprises.
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Écrit par
- Alain-Pierre RODET : diplômé de l'Institut d'études politiques de Grenoble, journaliste
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