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ELDORADO

Un siècle d'efforts et d'échecs

Mais le succès de Quesada, le seul de toute l'histoire de l'Eldorado, ne fit que donner au mythe une nouvelle consistance : les espérances des conquérants allaient toujours au-delà de leurs découvertes. La légende du cacique couvert d'or s'était répandue dans toute l'Amérique et enrichie de nouveaux détails. Il fallait désormais trouver la « maison du Soleil » et aussi le pays des Amazones, que les dires des Indiens plaçaient dans le Sud, vers le haut Marañón. En 1541, Philipp von Hutten, ancien lieutenant de Spira, partit à la recherche du royaume des Omeguas : ce furent cinq ans d'efforts sans résultats dans les solitudes des Llanos. Pérez de Quesada, frère du fondateur de Bogota, ne réussit pas davantage ; ni Gonzalo Pizarro, dans sa désastreuse expédition à l'est de Quito (1541-1543), bien qu'un détachement de ses troupes, commandé par Orellana, ait réussi à descendre jusqu'à l'Atlantique le grand fleuve « des Amazones ».

Vers 1550, des Indiens venus du Brésil persuadèrent les Espagnols du Pérou de l'existence de grands royaumes civilisés, qu'ils situaient dans l'Orient. Plusieurs expéditions se lancèrent à leur recherche : Pedro de Ursúa (1559), Martin Poveda (1566), Pedro Maraver de Silva et Diego Fernández de Serpa (1569), et jusqu'à l'infatigable Jiménez de Quesada qui avait alors plus de soixante ans. Ce furent autant de désastres, qui ne découragèrent pas de nouvelles tentatives, aux objectifs toujours changeants.

De 1575 à 1587, Francisco de Cáceres n'organisa pas moins de trois expéditions entre les Andes et la Guyane, à la recherche du royaume de Cuarica, nouvel avatar de l'Eldorado. L'héritier de Quesada, Antonio de Berrio, s'acharna de 1584 à 1597, à la découverte de l'insaisissable lagune de Manoa, dans les Llanos et la Guyane ; la grande expédition recrutée en Espagne par son lieutenant Domingo de Vera s'acheva en tragédie (1596).

Au-delà des frontières du monde castillan, le mirage de l'Eldorado séduisit à son tour un vétéran anglais des entreprises américaines, sir Walter Raleigh, qui attaqua la Trinité en 1595 et remonta l'Orénoque jusqu'au confluent du Caroni. Il ne fit pas de découvertes, mais le livre qu'il publia à son retour, The Discoverie of the Large, Rich and Beautiful Empire of Guiana, où abondent des détails imaginaires ou fantastiques, contribua à diffuser dans toute l'Europe la légende de l'Eldorado (1596). Un autre Anglais, Keymis, revint sur l'Orénoque en 1596, toujours sans résultat.

Le dernier héros de l'Eldorado fut Fernando de Berrio, fils d'Antonio de Berrio et héritier de son obsession ; de 1598 à 1610, il conduisit une vingtaine d'expéditions dans le massif des Guyanes : il s'y ruina, mais il n'avait pas renoncé à son rêve quand il mourut en 1622. Le mythe de l'Eldorado, s'il cessa de susciter de nouvelles entreprises au xviie siècle, survécut cependant à l'échec de tant d'efforts : la lagune de Parime et la cité de Manoa étaient restées inaccessibles à toutes les tentatives ; elles n'en figurèrent pas moins, pendant longtemps encore, sur les cartes de l'Amérique, quelque part entre l'Orénoque et l'Amazone.

Les explorations du xviiie siècle portèrent le coup final à la vieille légende ; le voyage de Nicolas Hortsman (1739-1740) et les expéditions organisées par le gouverneur Manuel Centurion (1771-1775) ne trouvèrent trace ni de grands lacs ni de trésors. Avec les travaux de Humboldt, au début du xixe siècle, la géographie fantastique le cède définitivement à une vision scientifique et critique du monde américain. Le seul résultat tangible d'un effort séculaire avait été de permettre une meilleure connaissance de l'espace vénézuélien[...]

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Écrit par

  • : maître assistant à l'École pratique des hautes études, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales

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