ÉLECTIONS Sociologie électorale
Sous-discipline autrefois royale de la science politique, la sociologie électorale a même été parfois considérée, à travers les travaux d'André Siegfried en France ou de Paul Lazarsfeld aux États-Unis, comme sa branche originelle et son terreau fondateur. Cette domination, probablement idéalisée, a sans doute pris fin : la sociologie électorale est aujourd'hui victime d'un certain discrédit, ce que signale assez la désaffection dont elle est l'objet auprès des jeunes chercheurs : ainsi en France, le pourcentage de thèses de doctorat en science politique s'intéressant de près ou de loin au terrain électoral est-il tombé dans les années 1990 à moins de 0,5 p. 100.
Ce relatif abandon peut s'analyser comme le sous-produit d'au moins quatre dynamiques, pour partie autonomes. La première conduit à une « dé-sociologisation » progressive des modèles d'analyse électorale, du fait de l'hégémonie que les théories économiques du choix rationnel exercent sur la scène internationale. Quelques pistes de recherche dessinent bien le « programme fort » d'une approche sociologique des transactions électorales : évaluer quelle part de leur existence sociale les citoyens engagent réellement dans leur vote – ou leur non-vote – ; mesurer le degré auquel leurs positionnements dans divers espaces sociaux peuvent être au principe de ces orientations, électives ou par défaut ; analyser la contribution de la professionnalisation des activités politiques à la structuration de jeux électoraux souvent considérés comme byzantins, etc. Mais elles sont de moins en moins empruntées au profit de la vision, socialement déconnectée, d'un électeur (le singulier serait à lui seul l'indice d'une simplification outrancière) optimisant rationnellement et souverainement ses choix sur les marchés électoraux.
Le deuxième facteur d'obsolescence de la discipline est lié à la routinisation de recherches pour l'essentiel fondées sur un outil, le sondage d'opinion, dont l'usage passablement monomaniaque engendre des formes de positivisme instrumental souvent peu créatrices. La diversité première des instruments d'investigations et des manières de faire preuve a progressivement fait place à l'exploitation formellement sophistiquée de « données de sondages » qui, par leur coût et leur caractère préconstruit, trahissent le double sens du terme données, et au-delà, les intentions des électeurs sondés.
Le sentiment d'une saturation du corpus des études électorales constitue la troisième source de déclassement de la discipline. Loin d'être fondée, cette impression pourrait pourtant être subvertie et inversée par la construction de nouvelles postures ou l'émergence de nouvelles perspectives.
La dernière cause de déclin de la sociologie électorale renvoie sans doute à la trop faible autonomisation scientifique de cette discipline. Il est probable que la légitimité académique des analyses électorales ait peu à peu souffert de la dé-légitimation sociale de leur objet d'étude. Le vote, concurrencé dans sa fonction expressive par de « nouvelles » formes de participation (improprement baptisées « non conventionnelles »), affaibli par la progression des pratiques d'évitement (abstentions, non-inscriptions) relève désormais plus ou moins, notamment chez les plus jeunes, du « piège à c... » que stigmatisait Sartre en 1973, dans un article resté célèbre.
Autant de phénomènes qui confèrent de nos jours à la technologie électorale et donc aux investigations de celle-ci une moindre centralité.
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Écrit par
- Patrick LEHINGUE : professeur émérite de science politique à l'université de Picardie
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