ÉLECTIONS Sociologie électorale
Questions de méthode
La sociologie électorale a longtemps occupé une position centrale en science politique grâce à l'apparat de scientificité que procurait (parfois « à bon compte ») le déploiement d'un imposant arsenal de traitement statistique des données.
Analyses « écologiques »
De fait, le terrain électoral est exceptionnellement fertile en matériaux quantitatifs, à commencer par la simple recension des votes. Ces derniers pourront être agrégés ou désagrégés plus ou moins globalement ou finement en fonction de l'offre partisane : classement des candidats (et ce qui est souvent plus audacieux, de « leurs » électeurs) en fonction de leurs étiquettes précises ou regroupement plus ou moins arbitraire en blocs ou en familles politiques. Même variation possible des échelles en fonction des unités géographiques de collecte des résultats : bureaux de vote, communes, cantons, circonscriptions législatives, départements... Nécessité faisant vertu, on se contenta longtemps de cette matière statistique déjà très riche, en travaillant les « données électorales brutes » et en les rapportant, en fonction des hypothèses, à d'autres données socioéconomiques. La cartographie est alors l'équivalent fonctionnel approximatif de nos modernes coefficients de corrélation (analyses dites écologiques notamment développées par Siegfried).
Très attentive à la diversité géographique et sociale des situations et des sites, cette manière de faire preuve n'est toutefois pas totalement probante. Faute de connaître l'orientation électorale de chaque électeur (les voix sont anonymes et muettes), l'analyse sur votes agrégés est toujours contrainte d'inférer des tendances collectives qui peuvent s'avérer trompeuses, ce d'autant plus que le niveau d'agrégation retenu est surplombant (qu'un Land allemand, majoritairement peuplé par des ouvriers, se prononce majoritairement pour le Parti social-démocrate ne prouve pas formellement que tous les ouvriers – et pas même qu'une majorité d'entre eux – votent S.P.D.).
La suprématie des sondages
L'apparition des sondages d'opinion dès les années 1940 aux États-Unis va provisoirement résoudre cet irritant paradoxe, dit de Robinson. En interrogeant individuellement des électeurs, il devient possible de mesurer et surtout de comparer avec une relative fiabilité les orientations électorales de sous-groupes réputés (parfois rapidement) homogènes : ouvriers, cadres, diplômés du supérieur, catholiques pratiquants... Au prix d'un véritable travail d'interprétation des « données » (interroger par exemple les significations socio-historiques variables d'attributs apparemment intemporels comme le genre ou l'activité professionnelle) et à la condition de ne pas réifier les variables, les enquêtes d'opinion ont, dans un premier temps, considérablement enrichi la connaissance des comportements électoraux. Les questionnaires pouvant intégrer des interrogations sur les valeurs, les goûts ou les souhaits des enquêtés, les degrés de cohérence des opinions et de consistance des électorats ont pu être utilement testés et relativisés. À rebours du sociologisme mécaniste de Lazarsfeld, des recherches minutieuses comme celles de Guy Michelat et de Michel Simon en France ont pu démonter les relations complexes et subtiles qui se nouent entre les positions sociales occupées (exemple : la catégorie socioprofessionnelle de l'enquêté), héritées (pente ascendante ou déclinante des trajectoires sociales), et/ou perçues (sentiment d'appartenance de classe, de déclassement...) d'une part, et le degré d'intégration religieuse, l'adhésion à des configurations idéologico-symboliques et enfin le vote d'autre part.
À bien des égards, on doit regretter que cet usage inventif (et non[...]
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Écrit par
- Patrick LEHINGUE : professeur émérite de science politique à l'université de Picardie
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