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ÉLECTRONS

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L'électron classique

La mesure du rapport e/m du « corpuscule cathodique » ou de l'« ion oscillant », effectuée respectivement par J. J. Thomson et par P. Zeeman, est fondée sur l'une des lois de H. A. Lorentz mise au point lors de l'élaboration d'une interprétation de l'électromagnétisme de Maxwell au moyen de courants de particules chargées : F=e(E+v×B), F, appelée maintenant force de Lorentz, représente la force exercée par des champs électriques E et magnétiques B sur une particule de charge e et de vitesse v.

La théorie de Lorentzest fondée sur l'électromagnétisme, allié à la mécanique newtonienne. Dans l'expérience de J. J. Thomson, une première mesure consiste à étudier le déplacement des rayons cathodiques dans des champs électriques et magnétiques perpendiculaires entre eux et aux rayons. Pour une certaine valeur du rapport des champs, le déplacement des rayons est nul car les deux composantes de la force de Lorentz se compensent lorsque v=EB, ce qui fournit une mesure de la vitesse. Celle-ci est trouvée notablement plus faible que celle de la lumière. Dans le champ électrique seul, le déplacement est semblable à une chute libre avec pour accélération (eE/m) ; donc, pour une longueur l dans le champ, le déplacement sera égal à d=eE2lv2, et l'étude de ce déplacement en fonction du champ électrique, une fois v connu, permet la mesure du rapport de la charge à la masse.

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Dans cette expérience sont déjà en germe non seulement des objets aussi usuels qu'un tube de téléviseur classique, qui n'est autre qu'un tube à rayons cathodiques agrandi, mais aussi les accélérateurs de particules, les spectromètres de masse utilisés pour l'analyse des gaz, ou bien les oscilloscopes des électroniciens.

Dans l'expérience de Zeeman, le mouvement harmonique de la charge dans l'atome est perturbé par la force de Lorentz et, si celle-ci est suffisamment petite par rapport à la force de rappel de l'oscillateur, son effet dans le plan perpendiculaire au champ magnétique est de déplacer la fréquence de ±v=e2mB, d'où la mesure de e/m à partir de l'élargissement des raies.

Niels Bohr - crédits : Ullstein Bild/ Getty Images

Niels Bohr

Le rayonnement des atomes excités, considérés comme des oscillateurs harmoniques, utilise une propriété subtile de l'électromagnétisme : toute charge accélérée rayonne de la lumière. L'énergie rayonnée freine l'oscillation, qui est ainsi amortie, et doit s'arrêter. Le champ électrique rayonné à l'instant t et à une distance r par une charge q soumise à une accélération a est :E=-q4πε0c2ra', où a′ est l'accélération « retardée » que la particule avait à l'instant t – (r/c), c étant la vitesse de la lumière et ε0 la permittivité du vide. Pour un oscillateur harmonique, de pulsation ω et d'élongation x, a = ω2x, et a′ = a si le mouvement a une vitesse faible en comparaison de celle de la lumière : la fréquence émise est alors celle du mouvement. La puissance rayonnée est :P=e2ω4x02c3, où e2=q24πε0  (où x0 est l'élongation maximale), alors que l'énergie de l'oscillateur est W=mω2x022 ; le décrément par pulsation est 1Q=(4πe2)(3λmc2) si bien qu'une raie visible de 600 nm de longueur d'onde λ perd les deux tiers de son intensité en 108 seconde. La propriété de rayonnement des électrons a été longtemps une difficulté insurmontable pour les modèles classiques d'un atome planétaire formé d'un noyau positif lourd entouré d'électrons en mouvement harmonique autour de lui : la perte d'énergie par rayonnement garantissait l'effondrement des électrons sur le noyau. Il a fallu l'audace du physicien danois Niels Bohr (1885-1982) pour supposer en 1913 une disparition de cet effet dans les atomes, et poser ainsi les jalons du modèle atomique quantique où une telle suppression du rayonnement a effectivement lieu.

L'accélération centripète subie par un électron tournant sur une trajectoire circulaire dans un accélérateur de particules, appelé à l'origine synchrotron à électrons, produit un rayonnement similaire à celui d'un atome. Cependant, du fait de l'accélération, la vitesse devient progressivement proche de celle de la lumière, et le rayonnement se produit aussi à des fréquences double, puis triple, etc., de celle du mouvement ou fréquence fondamentale. La structure en harmoniques du rayonnement s'efface dans une émission avec des fréquences variant de façon continue : c'est ce qu'on appelle le rayonnement synchrotron. Un électron en mouvement circulaire a une énergie beaucoup plus élevée que celle de sa masse, donc avec γ = E/mc2 grand ; il est alors une sorte de phare émettant dans un cône d'ouverture 1/γ autour de sa vitesse. Ce rayonnement se traduit par une perte d'énergie dans les accélérateurs à électrons que l'on compense par un apport sous forme d'un champ électrique accélérateur. La perte d'énergie par tour de rayon R est : E=4πremc2β3γ4R où β = v/c. Elle est proportionnelle à la puissance quatrième du rapport γ = E/mc2, si bien que seuls les électrons, particules chargées les plus légères, peuvent largement rayonner.

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Cette perte d'énergie a conduit à construire des accélérateurs à électrons de très grand rayon, pour compenser la croissance du rayonnement avec l'énergie : le LEP (Large Electron Positron Collider, « grand collisionneur électron-positron »), qui a fonctionné entre 1989 et 2000, au Laboratoire européen de physique des particules du Cern à Genève avait un rayon de plus de 4 kilomètres et 27 kilomètres de circonférence. Cet effet est moindre mais existe aussi pour les accélérateurs de protons comme le LHC (Large Hadron Collider, « grand collisionneur hadronique »), mis en service en 2008, qui a remplacé le LEP dans son tunnel près du Cern.

Le rayonnement synchrotron a été découvert dans la nature. L'observation en lumière polarisée de la nébuleuse du Crabe, restes de la supernova observée par les Chinois en 1054, montre l'existence de filaments lumineux émettant selon un spectre continu : le rayonnement est vraisemblablement produit par des trajectoires d'électrons tournant à grande vitesse autour de longues lignes de champ magnétique.

Une difficulté de la théorie classique de l'électron concerne la description de la particule elle-même : son énergie électrostatique au repos est e2/r, où r est une distance caractéristique finie, sinon l'énergie propre serait infinie. En supposant que cette dernière fournit la masse de l'électron, on en déduit r, appelé « rayon classique de l'électron » : re = e2/mc2, et on doit penser l'électron comme une petite sphère... mais quelle force empêche la répulsion électrostatique de la faire exploser ? De plus, avec la théorie de la relativité restreinte ou, ce qui revient au même, si l'on suit les lois de transformation de l'électromagnétisme, un tel électron en mouvement s'aplatit et l'équilibre, un instant restauré par ces forces de liaison, est de nouveau rompu. Si bien que, malgré de nombreuses tentatives de solution, le problème reste entier : un électron est une particule ponctuelle pour toute interaction extérieure, mais lui-même n'est pas décrit par le concept de Lorentz. On peut anticiper ici en disant que la théorie quantique ne fait pas beaucoup mieux, mais les difficultés correspondantes ont conduit à la fructueuse méthode de la renormalisation.

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S.
  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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Cercle d'atomes de fer - crédits : Courtesy IBM Research, Almaden Research Center

Cercle d'atomes de fer

Électron : propriétés - crédits : Encyclopædia Universalis France

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Joseph Thomson - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

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