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ÉLECTRONS

Le spin de l'électron

Avant que l'expérience de Davisson et Germer ne vînt prouver la réalité de la diffraction de l'électron, une autre propriété de l'électron était découverte : un moment angulaire intrinsèque appelé spin, qui signifie ici tourner sur soi-même. La découverte du spin trouve sa source une fois encore dans l'étude des spectres d'émission des atomes, et même dans l'étude de l'effet Zeeman. Dès 1898, grâce à l'amélioration de la précision des mesures, le physicien français Alfred Cornu (1841-1902) découvre que la raie jaune D1 du sodium est décomposée en quatre raies par un champ magnétique, alors que la théorie classique n'en prédit au plus que trois. On s'aperçoit ensuite que la plupart des raies atomiques produisent des nombres variés de raies ; c'est ce qu'on appelle « l'effet Zeeman anormal » par opposition à l'effet Zeeman « normal » de la théorie de Lorentz.

Vers 1920, les calculs de niveaux atomiques permis par le modèle d'atome de Bohr donnent accès à une nouvelle compréhension des atomes hydrogénoïdes, au moyen de trois nombres quantiques appelés respectivement principal, orbital et magnétique. En 1921, le physicien allemand Alfred Landé (1888-1976) explique l'effet Zeeman « anormal » en introduisant un facteur g supplémentaire, voisin de 1, au calcul du déplacement en énergie, qui n'est plus exactement proportionnel au produit de l'induction du champ magnétique B par le magnéton de Bohr (noté μB, et égal à Qh/4πM, Q et M étant la charge et la masse de l'électron) : ΔE=gmμBB.

En février 1925, Wolfgang Pauli (1900-1958) publie que l'idée de Landé conduit à attribuer à l'électron un nombre quantique supplémentaire, noté m pour « magnétique », qui ne peut prendre que deux valeurs. Cela permet d'expliquer les nombres d'électrons observés dans chaque couche atomique, en posant que chacun d'entre eux doit avoir un ensemble de nombres quantiques, y compris le quatrième, différent. Chaque jeu de nombres quantiques définit un état qui ne peut être occupé que par un seul électron ; c'est ce que l'on appelle le principe d'exclusion de Pauli.

Durant l'été de 1925, deux jeunes physiciens néerlandais, George Uhlenbeck (1900-1988) et Samuel Goudsmit (1902-1978), relient ce quatrième nombre à un degré de liberté supplémentaire de l'électron : classiquement, ce dernier peut tourner sur lui-même avec un moment angulaire propre de valeur h/4πet avec un facteur de Landé égal à 2. Il faudra, en fait, l'équation de Dirac pour comprendre l'origine quantique du facteur de Landé de l'électron.

Le principe d'exclusion de Pauli a pour conséquence que les électrons obéissent à des lois statistiques différentes de celles des photons : ils suivent la statistique de Fermi-Dirac, qui, par exemple, est déterminante pour comprendre correctement les propriétés des métaux. La liaison entre le spin et la statistique est démontrée dans la théorie quantique des champs : tous les objets de spin demi-entier (en unités de h/2π), décrits par des opérateurs qui anticommutent, suivent la statistique de Fermi-Dirac, alors que les objets de spins entiers ou nuls, dont les opérateurs associés commutent, suivent celle de Bose-Einstein, selon laquelle les particules tendent au contraire à se mettre toutes dans le même état quantique.

Le principe d'exclusion a une importance fondamentale : c'est à cause de lui que les atomes ont une extension finie et qu'ils ne s'interpénètrent pas. Il est indispensable pour comprendre comment la matière qui nous entoure tient en équilibre malgré la très petite fraction de l'espace réellement occupée par les composants des atomes.

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S.
  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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Cercle d'atomes de fer - crédits : Courtesy IBM Research, Almaden Research Center

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