ÉLECTRONS
L'électrodynamique quantique
L'apparition du positron a complètement changé la compréhension de la théorie de Dirac. Dans la conception quantique, le vide est le siège de fluctuations en énergie. Quand celles-ci sont assez élevées, une paire e+e– peut se former de manière éphémère, la durée du couple étant estimée par le principe d'incertitude de Heisenberg à environ 10–21 seconde. Ces états sont appelés virtuels. Au voisinage d'un électron, le champ de celui-ci a tendance à séparer ces paires virtuelles, créant un phénomène de polarisation électrique du vide. Il s'ensuit que la charge de l'électron effectivement sentie par une autre particule est diminuée légèrement. Un tel effet peut être calculé par la théorie de Dirac. La réponse est qu'il faut soustraire une charge infinie !
En fait, il faut comprendre que la charge de l'électron telle que nous la mesurons est déjà réduite par l'effet d'écran dû à la polarisation du vide ; mais, alors, la charge de l'électron ν, si une telle chose existe, serait infinie.
Malgré ses énormes succès, le concept de Dirac butait donc sur des difficultés. Sa transposition dans le langage de la théorie des champs permit de réaliser des calculs biens vérifiés par l'expérience, en utilisant le premier terme d'un développement en série avec, comme paramètre, la constante de structure fine : . La mesure de l'effet Josephson fournit α = 1/137,035 989 5(61). Mais, bien que le paramètre effectif de développement soit α/π (1/400 environ), le calcul des termes d'ordre plus élevé se heurte à des infinités similaires à celle qui est mentionnée plus haut.
Au cours des vingt années suivantes, on arriva d'abord à une compréhension correcte de ces infinités, au moyen de la théorie de la renormalisation, et, en même temps, à une formulation intuitive de l'électrodynamique quantique au moyen des diagrammes d'espace-temps inventés par Richard Feynman (1918-1988) ; Julian Schwinger (1918-1994) et Sin-Itiro Tomonaga (1906-1979) arrivaient indépendamment à des conceptions équivalentes : l'électrodynamique quantique (EDQ) était née.
Avec une série de prescriptions univoques, et pour seuls paramètres la masse de l'électron et sa charge (ou α), l'EDQ permet ainsi de calculer, à une précision aussi grande que l'on veut – pourvu qu'on y consacre le temps nécessaire, car les calculs sont extrêmement ardus –, toute quantité mettant en jeu des électrons et la force électromagnétique, tout en reproduisant les résultats des théories précédentes, qui apparaissent comme des approximations dont le domaine de validité est clairement établi.
Un exemple célèbre démontrant le succès de l'EDQ est le calcul du moment magnétique de l'électron. Comme l'équation de Dirac, l'EDQ à l'ordre le plus bas fournit le facteur g égal à 2 ; mais des corrections sont apportées par les termes d'ordre supérieur. La quantité mesurée expérimentalement est a = (g – 2)/2, c'est-à-dire le complément à 1 du facteur de proportionnalité entre le moment magnétique de l'électron et un magnéton de Bohr.
Les mesures sont extrêmement précises, car elles atteignent directement acomme différence entre la fréquence dite cyclotron de rotation d'un électron sur une orbite, et la précession du moment magnétique autour de l'électron. Les meilleures mesures sont faites en piégeant pendant plusieurs mois un unique électron dans des champs magnétiques et électriques croisés sur une orbite toroïdale, puis en excitant les transitions entre les deux états d'énergie, dus à l'orientation du moment magnétique, au moyen d'un champ hyperfréquence. Le champ électromagnétique qui règne dans une telle cavité force l'électron à se déplacer sur une orbite dont les caractéristiques[...]
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Écrit par
- Jean-Eudes AUGUSTIN : directeur de recherche au C.N.R.S.
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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