ÉLÉGIES ET HYMNES, Friedrich Hölderlin Fiche de lecture
La question des interprétations
Dans les grands poèmes postérieurs à 1800, Hölderlin opère un travail sur l'image qui l'éloigne définitivement du monde métaphorique plus traditionnel de ses premières compositions : il fait entrer dans sa poésie des éléments de sa géographie personnelle (les fleuves, les villes, les lieux...), des amis, des moments de l'histoire, un univers traversé de figures nouvelles, comme les demi-dieux (Rousseau est de leur nombre), ou les oiseaux dont la trajectoire dessine une « migration des cultures ». Cette profusion visuelle et référentielle contraste avec une langue qui tend parfois vers l'abstraction et vers une brièveté lapidaire. Cette pensée poétique semble menacée d'éclatement.
Bon nombre d'interprètes ont décrit l'évolution de Hölderlin au cours de cette période selon un schéma sans doute trop simple, en s'appuyant sur deux lettres de 1801 et 1802 où le poète réexaminait la question du rapport entre l'Antiquité et la modernité, et insistait sur les exigences d'une écriture « nationelle » et d'un apprentissage du « propre ». En Allemagne, au xxe siècle, le modèle interprétatif du « tournant patriotique » a fourni dans l'entre-deux-guerres l'instrument commode d'une lecture nationaliste, au demeurant combattue par certains philologues. Devenu malgré lui le « poète de la patrie allemande » Hölderlin fut célébré sous le régime national-socialiste. Les commentaires de Heidegger, à partir de 1936, s'inscrivirent dans le contexte des lectures prophétiques de sa poésie considérée sous l'angle du « destin » du « peuple de la poésie et de la pensée ». En insistant sur ce qu'il interprétait comme une rupture de Hölderlin avec Hegel et une sortie hors de la « métaphysique », Heidegger congédiait aussi toute référence à l'idée de révolution dont les échos dans la poésie de Hölderlin après 1801 ont alimenté de nombreux débats dans l'après-guerre.
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Écrit par
- Isabelle KALINOWSKI : directeur de recherche au C.N.R.S.
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Autres références
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HÖLDERLIN FRIEDRICH (1770-1843)
- Écrit par Jean-Pierre LEFEBVRE
- 4 972 mots
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