ELEKTRA (R. Strauss)
La violence à l'état pur
Hugo von Hofmannsthal avait écrit une adaptation de l'Électre de Sophocle, créée sous le titre d'Elektra le 30 octobre 1903 à Berlin, dans une mise en scène de Max Reinhardt. Hofmannsthal avait préféré la tragédie de Sophocle aux Choéphores d'Eschyle en raison de la présence de Chrysothémis, sœur d'Electre, avec laquelle elle présente un caractère très contrasté. Strauss assiste en novembre 1903 à une représentation de cette pièce et décide d'en tirer un opéra. Occupé jusqu'en 1905 par la composition de Salomé, ce n'est cependant qu'en 1906 que Strauss sollicitera la collaboration d'Hofmannsthal, qui va accepter avec enthousiasme de remanier sa pièce pour répondre aux exigences du compositeur. La partition est achevée à la fin de septembre 1908.
L'incroyable force dramatique d'Elektra tient à plusieurs qualités évidentes. Sa concision – à l'instar de Salomé, Elektra dure approximativement une heure et demie, sans interruption – et sa construction à la rigueur implacable permettent une condensation particulièrement efficace des affects. Ensuite, le texte d'Hofmannsthal, qui allie, dans une langue d'une extrême beauté, la sombre et barbare violence du mythe grec à une étude psychanalytique pré-freudienne très subtile, constitue un des livrets d'opéra les plus somptueux jamais écrits. Enfin, en dépit de son apparence granitique et cataclysmique, la musique de Strauss recèle – grâce à un jeu de timbres et de tonalités oscillant en permanence entre la transparence et l'opacité – une incroyable palette d'expressions, variant du climax le plus tendu et le plus extraverti à la tendresse la plus bouleversante et la plus retenue.
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Écrit par
- Timothée PICARD : ancien élève de l'École normale supérieure et de Sciences Po Paris, assistant à l'université Marc Bloch (Strasbourg), critique musical
Classification
Média