PONIATOWSKA ELENA (1932- )
Née à Paris en 1932, Elena Poniatowska Amor est issue de deux grandes familles : les Poniatowski, descendants en ligne directe du dernier roi de Pologne ; les Amor, notables mexicains émigrés en France dans le sillage de Porfirio Díaz, durant la révolution mexicaine de 1910. À l’âge de dix ans elle est conduite par sa mère au Mexique, avec sa sœur, afin de s’éloigner d’une Europe plongée dans la Seconde Guerre mondiale (son père continuera de combattre dans l’armée française, avant de rejoindre sa famille à Mexico). D’abord éduquée en français, elle suit au Mexique l’enseignement primaire et le collège catholiques. Les dernières années d’enseignement secondaire ont lieu à Philadelphie, en anglais.
Très tôt intéressée par le journalisme, Elena Poniatowska va y consacrer une grande part de son énergie et de ses initiatives. Collaboratrice du quotidien Excelsior dès 1952, puis de NovedadesdeMéxico, elle a fait partie en 1984 du groupe fondateur du journal indépendant La Jornada, très prisé des intellectuels de gauche. Le reportage et l’enquête lui permettent de découvrir l’univers des pauvres gens de son pays. Pour ces premiers textes, elle est influencée par le nouveau journalisme nord-américain et le roman-reportage.
Ses publications, plus de quarante livres, se distribuent selon trois registres bien maîtrisés : reportage et témoignage engagé ; biographie de personnalités ignorées du public bien qu’ayant joué un rôle dans le domaine de l’action sociale, politique ou culturelle ; fictions donnant lieu à l’exploration des émotions personnelles et de l’imaginaire, comme dans le conte pour enfant.
Des interviews d’intellectuels et de personnalités des arts et des lettres ont été rassemblées dans un premier livre, Palabras cruzadas (1961) ; ses chroniques de la vie des familles humbles de Mexico, illustrées dans le journal par des dessins d’Alberto Beltrán, ont préparé Todo empezóen domingo (1960). Sa rencontre d’une blanchisseuse au destin étonnant inspire le roman Hasta no verte Jesús mío (1969, Vie de Jesusa) . Mariée à un militaire durant la révolution mexicaine, Jesusa est ensuite capable de pourvoir aux besoins de sa famille dans un Mexico en rapide transformation. Aussitôt célèbre dans la catégorie « récit de vie », ce livre trouvera son complément avec Las soldaderas (1999), histoire des femmes qui accompagnaient leur compagnon soldat au front et dans les déplacements des troupes.
Les frontières ténues entre interview, témoignage et biographie documentée mais quelque peu romancée font la richesse de nombreux livres. Tinísima (1992) construit, autour de la célèbre photographe Tina Modotti, une vaste fresque de l’intense vie de Mexico postrévolutionnaire, évoquée du point de vue des artistes et des militants politiques, et où s’inscrivent de grands événements comme le renversement du président ou l’assassinat de Trotski. Querido Diego, teabraza Quiela (1978, Cher Diego, Quiela t’embrasse) évoque les années partagées à Paris par Angelina Beloff, exilée russe, avec Diego Rivera, et leur relation à distance après le retour du peintre à Mexico. Le roman s’appuie sur leur correspondance effective. Les destins de femmes font partie d’une cause féministe pour laquelle Elena Poniatowska montre une passion croissante : sept femmes artistes militantes dans Las siete cabritas (2000) ou encore Leonora (2011, sous le même titre en français), une biographie de Leonora Carrington, compagne de Max Ernst en France et participante du mouvement surréaliste, influente dans les milieux des beaux-arts au Mexique (des dessins de sa main illustrent l’édition française de Lilus Kikus, le premier court roman d’Elena Poniatowska publié en 1955).
Les tensions historiques que connut le Mexique, vues de la capitale, sont au centre d’autres témoignages. L’un des plus remarqués est La noche de[...]
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Écrit par
- François DELPRAT : professeur émérite, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
-
AMÉRIQUE LATINE - Littérature hispano-américaine
- Écrit par Albert BENSOUSSAN , Michel BERVEILLER , François DELPRAT et Jean-Marie SAINT-LU
- 16 963 mots
- 7 médias
Au Mexique, Elena Poniatowska retrace avec talent les destinées de femmes engagées dans leur époque par le hasard de l’histoire et leur volonté d’action : après d’humbles paysannes ou travailleuses, apparaissent des figures plus remarquées de la vie mexicaine. Le thème de départ en est aussi bien la...