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DUSE ELEONORA (1858-1924)

Actrice italienne qui trouva ses meilleurs rôles chez deux grands dramaturges européens : l'Italien Gabriele D'Annunzio et le Norvégien Henrik Ibsen.

Née à Vigevano, en Lombardie, le 3 octobre 1858, la Duse, issue d'un milieu d'acteurs, fit ses débuts au théâtre à l'âge de quatre ans dans une adaptation pour la scène des Misérables. Dix ans plus tard, quand elle joua Juliette à Vérone, son talent était déjà reconnu par la critique. Après la mort de ses parents, elle se produisit de troupe en troupe, mais sans jamais rencontrer un grand succès, jusqu'à son arrivée à Naples en 1878. Ce fut le tournant de sa carrière. Sa performance dans le rôle-titre de Thérèse Raquin, d'Émile Zola, lui valut les plus vifs éloges, le public et la critique s'accordant à dire que personne avant elle n'avait su donner autant de vérité à l'angoisse d'une femme.

En 1882, la Duse eut l'occasion de voir jouer Sarah Bernhardt. Les succès remportés par cette dernière dans des rôles modernes lui donnèrent l'idée de s'essayer elle aussi dans des pièces de dramaturges français contemporains (elle s'était aperçue que le répertoire national traditionnel, usé jusqu'à la corde, faisait bâiller d'ennui le public italien). Durant les trois années qui suivirent, on la vit donc apparaître dans plusieurs pièces de Dumas fils. Elle commença par interpréter Lionette dans La Princesse de Bagdad, où elle fit un triomphe. Ce fut ensuite Césarine dans La Femme de Claude. En 1884, elle créa le rôle-titre dans la dernière œuvre de Dumas fils, Denise, mais aussi Santuzza, dans Cavalleria rusticana de Giovanni Verga. En 1885, elle partit en tournée avec un célèbre imprésario, Cesare Rossi, pour l'Amérique du Sud. À son retour en Italie, elle monta sa propre troupe, la Compagnie théâtrale de Rome, avec laquelle elle sillonna l'Europe et les États-Unis.

En 1894, elle rencontra un jeune poète en vogue, Gabriele D'Annunzio, dont elle tomba amoureuse et qui écrivit plusieurs pièces à son intention. D'Annunzio a raconté l'histoire de leur amour dans Il fuoco (1900). La Duse se prit par ailleurs de passion pour le théâtre d'Ibsen dont elle fit siennes les héroïnes, qu'elle ne se lassa jamais d'interpréter : Nora (La Maison de poupée), Rebecca West (Rommersholm), Ella Rentheim (John Gabriel Borkman) et par-dessus tout Ellida (La Dame de la mer). Au rôle-titre d'Hedda Gabler, elle apporta quelque chose de démoniaque, qui troubla profondément Ibsen lorsqu'il la vit jouer, comme si elle avait su dépasser les limites du réalisme pour franchir le seuil du fantastique.

Le dramaturge anglais George Bernard Shaw fut l'un des nombreux critiques que fascina l'aptitude de la Duse à laisser penser qu'elle pouvait « multiplier à l'infini les belles attitudes et les beaux gestes ». Il reconnut qu'il ne l'avait jamais vu commettre « la moindre maladresse » dans son jeu pourtant si varié, fait d'« un million de nuances et d'inflexions » (Dramatic Opinions and Essays, 1907). Sa palette était inépuisable. Sa tenue en scène, sa façon de se mouvoir avaient un charme extraordinaire et elle savait inventer, pour chaque rôle, une manière différente d'habiter l'espace scénique. Le résultat allait bien au-delà du simple « naturalisme ». La Duse ne se bornait pas à incarner ses personnages : elle laissait deviner, à travers son jeu, ce qu'elle pensait d'eux : elle en « savait » beaucoup plus de Nora, par exemple, que celle-ci aurait jamais pu en savoir d'elle-même. Un critique a pu écrire qu'elle jouait ce qui était entre les lignes : les transitions, avec elle, faisaient aussi partie du texte. Un simple frémissement des lèvres suffisait à révéler tout un monde intérieur. Et lorsque ce monde, par la faute du dramaturge, venait à manquer de[...]

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Écrit par

  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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