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ÉLEUSIS

L'arcane

Les mystes avaient le devoir de ne rien révéler de ce qu'ils avaient fait, vu et entendu dans la salle. Furent condamnés, sous ce chef, Alcibiade, Andocide, Diagoras, et, en 200 avant J.-C., deux Acarnaniens furent mis à mort pour être entrés en fraude parmi les mystes. La personne même de Korè était arrhètos, ineffable ; les rites étaient aporrhèta, soumis au secret. Celui-ci fut bien gardé. Le peu qui en a transpiré vient des Pères de l'Église, informés sans doute par des initiés devenus chrétiens ; renseignements suspects, colorés d'une évidente hostilité, altérés par des confusions avec d'autres mystères. Leurs écrits signalent des paroles, des actions et des ostensions. Un mot de passe était vraisemblablement prononcé par le myste après l'entrée et avant les révélations majeures : « J'ai jeûné, j'ai bu le kukéôn, j'ai pris dans le grand panier (kistè) et, ayant accompli ma tâche, mis dans le petit panier (kalathos), puis remis dans le grand. » On ignore ce qu'étaient et la « tâche » rituelle et les objets qui passaient de la ciste, attribut de Dionysos, dans le kalathos, attribut de Dèmèter (emblèmes du serpent, de la grenade, des organes sexuels ?), et quel usage les mystes en faisaient. Les auteurs chrétiens mentionnent des représentations : le hiérophante et la prêtresse mimant le rapt de Korè, ses cris d'appel, la recherche de Dèmèter. En fait, rien de cela ne semble avoir pu se passer à Éleusis, mais seulement peut-être dans sa filiale d'Alexandrie, où se déroulaient des cérémonies qui toutefois ne comportaient point d'initiations. Ces témoignages veulent qu'ait été réelle et non pas simplement simulée une union sexuelle entre le hiérophante et la prêtresse, suivie du cri : « L'auguste Brimô (la Forte) a enfanté un fils sacré, Brimos. » On ne sait ni qui étaient les conjoints divins, ni qui était ce Fort que la hiérogamie appelait à l'existence. À un autre moment, l'assemblée regardait le ciel en criant : « Tombe en pluie » (ὕε, hué), puis la terre en disant « Deviens grosse » (κύε, kué). L'image du Ciel-Époux et de la Terre fécondée était trop courante en Grèce pour justifier un secret. Une ostension solennelle se plaçait peut-être à la fin de l'époptéia, au moment où le hiérophante élevait en silence un épi de blé. Des symboles des organes sexuels semblent également avoir été exhibés et manipulés – on ne sait dans quel contexte, ni la valeur qui était attribuée à ce rite.

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de philosophie et lettres de l'université de Liège

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