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JELINEK ELFRIEDE (1946- )

Elfriede Jelinek - crédits : Schiffer-Fuchs/ ullstein bild/ Getty Images

Elfriede Jelinek

Prix Nobel de littérature en 2004, romancière, essayiste, auteur de nombreuses pièces de théâtre, de pièces radiophoniques et d'un scénario de film (Malina, adaptation du roman d'Ingeborg Bachmann pour Werner Schroeter), traductrice et intellectuelle engagée, Elfriede Jelinek est sans doute l'écrivain le plus dérangeant et le plus énigmatique de l'Autriche contemporaine.

Une écriture de rupture

Née en 1946 à Murzzuschlag en Styrie, dans une « société sans père », selon l'expression du psychanalyste Alexander Mitscherlich, elle a grandi à Vienne et reçu, dit-elle, une éducation extrêmement autoritaire et répressive. Musicienne de formation, elle étudie l'orgue et la composition musicale, et c'est par la poésie qu'elle débute en littérature. Otto Breicha, le rédacteur en chef de la revue Protokolle, publie ses premiers travaux, des poèmes érotiques qui révèlent – précise-t-elle – une « sexualité réprimée, sinon niée ». À la même époque, elle découvre la littérature expérimentale, s'engage en politique, entre au parti communiste autrichien (K.P.Ö.), et cherche dans l'écriture et la littérature « une nouvelle méthode esthétique dont le contenu soit politique ».

Ses premiers romans, Wir Sind Lockvögel, Baby ! (1970 ; Nous sommes des attrape-nigauds, baby !) et Michael. Ein Jugendbuch für die Infantilgesellschaft (1972 ; Michael, un livre pour la société infantile), considérés comme les premiers romans pop de langue allemande, ont apporté à leur auteur une certaine célébrité. Mais c'est surtout la publication de Die Klavierspielerin (1983 ; La Pianiste, 1988) qui lui vaut une reconnaissance internationale. Dévoreuse de romans policiers et de séries télévisées, Jelinek place le plus souvent au cœur de ses romans une intrigue de facture policière empruntée à un fait-divers, situant résolument son écriture romanesque du côté de la littérature populaire (Trivialliteratur) par opposition à la conception romanesque héritée de l'Aufklärung, le Bildungsroman (roman de formation). De fait, elle récuse le modèle du héros positif dont la formation est linéaire et ascendante, bien que ponctuée des crises nécessaires à sa progression, et écarte résolument toute visée pédagogique, tout recours au sublime. Ses personnages, comme dans Die Ausgesperrten (1980 ; Les Exclus, 1989), sont des êtres en marge de la société, en rupture avec la représentation traditionnelle et idyllique du modèle national. Elfriede Jelinek rompt ainsi délibérément avec la culture bourgeoise et s'attaque aux piliers de la société autrichienne qui sont autant de tabous : la famille, l'église catholique, la musique, et surtout l'histoire autrichienne récente, avec son passé nazi trop longtemps refoulé.

Très fortement marquée par les écrivains du Wiener Gruppe (Ernst Jandl, Friederike Mayröcker, H. C. Artmann, Gerhard Rühm...), Jelinek développe une relation très particulière avec le langage. « Ce n'est pas tant le contenu de la langue qui [m'] intéresse, explique-t-elle, que la manière dont les choses baignent dans ses eaux. » Jeux de mots, dictons populaires tournés en dérision, slogans publicitaires détournés de leur sens, expressions courantes de la réalité quotidienne, choses vues et entendues forment le terreau sur lequel fleurit son écriture. Elle réfracte la réalité et éclaire les thèmes qu'elle aborde tantôt sous l'angle féministe, tantôt sous l'angle politique – deux axes privilégiés de ses investigations. Elle part « toujours d'un événement ou d'une histoire [qu'elle] cherche à transposer à un autre niveau de signification » pour aboutir à la prose narrative ou à la polyphonie de l'écriture dramatique.

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Écrit par

  • : directrice de l'association Les Amis du roi des Aulnes, traductrice

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Média

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