SULEIMAN ELIA (1960- )
Elia Suleiman est un cinéaste, scénariste, et acteur arabe israélien, né le 28 juillet 1960 à Nazareth, d'une famille palestinienne de culture catholique orientale. Son père a combattu les Israéliens lors de l’annexion de la ville en 1948, un épisode relaté dans Le Temps qu’il reste (2009). Le jeune homme s’installe à New York en 1981 et y reste douze ans. Il coréalise, en 1991, avec le vidéasteJayce Salloum, Introduction à la find’un argument, un moyen-métrage conçu à partir d’archives européennes, israéliennes et américaines qui dresse un inventaire des stéréotypes stigmatisant les représentants du monde arabe. En 1994, il retourne en Israël où la Commission européenne le charge de créer le département Cinéma et média de l’université de Bir Zeit, située en territoire palestinien. Il y enseignera. Sa filmographie tourne autour d’une double quête, celle de son identité palestinienne, toujours à chercher ou à réinventer, et celle de son « incertain » pays. Oscillant entre absurde et sens du tragique, le cinéaste y interprète un personnage, ES, qui lui ressemble sans être lui tout à fait. Car c’est là qu’intervient l’aptitude à la stylisation de l’auteur. « Je ne suis même pas un exilé, clame-t-il, dans son troisième court-métrage Le Rêve arabe (1998), car je n’ai pas de patrie. »
Le « dépays »
Suleiman acquiert une culture cinématographique durant son séjour new-yorkais. C’est la découverte de Voyage à Tōkyō, de Yasujiro Ozu (1953), qui le pousse à devenir cinéaste. Bientôt, le mal du pays, ou du « dépays », selon Chris Marker – « Mon pays imaginé, mon pays que j’ai totalement inventé, totalement investi, mon pays qui me dépasse au point de n’être plus lui-même que dans ce dépaysement. Mon dépays » (1982) – l’étreint, comme le montre son court-métrage Hommage par assassinat, segment du film collectif La Guerre du Golfe... et après ? (1992) : pendant qu’il regarde à la télévision des images de ce conflit lointain, le cinéaste attend des appels de ses proches.
Dès son retour, le contact avec les siens enclenche un « saut dans le vide » qui sera le moteur de la « trilogie du retour » composée de ses premiers longs-métrages – Chronique d’une disparition (1996), Intervention divine (2002) et Le Temps qu’il reste (2009) – dans laquelle le cinéaste doit inventer son cinéma. Tous ses films mélangent l’intime et le social. La facétie des voisins côtoie la mécanique répressive et robotisée des militaires israéliens. Son premier long-métrage porte la dédicace suivante : « À mes parents, ma dernière patrie. »
Elia Suleiman pratique un cinéma contemplatif : les plans de ses films sont longs, il jette un regard distancié sur les événements, qui échappent à toute logique bien huilée, les dialogues y sont réduits au minimum. Il pratique la dérision et l’ironie, mais ses films ne se limitent pas au burlesque.
Les films de Suleiman sont séquencés, en parties (deux pour Chronique d’unedisparition, quatre dans Le Temps qu’il reste) et en microévénements au sein de chaque partie. Intervention divine est une véritable mosaïque de « vignettes ». Les thèmes que l’on retrouve dans l’œuvre de cet artiste non conventionnel – qui préfère les cinéastes occidentaux comme Bresson, Antonioni, Tati à leurs collègues arabes – sont la famille, la ville de Nazareth, la caricature à outrance des « non-interlocuteurs » israéliens, ces militaires qui représentent les institutions – mais l’artiste refuse de s’en prendre à des individus du seul fait de leur nationalité – et, bien sûr, la recherche d’une identité.
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Écrit par
- Raphaël BASSAN : critique et historien de cinéma
Classification
Média
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...cycle de Wadiqui assemble des images tournées en 1981, 1991 et 2001. En 1997, Guerre et paix à Vesoul, qu'il a coréalisé avec le Palestinien Elia Suleiman, est à la fois un regard sarcastique porté sur un festival provincial et une méditation sur l'identité et le vivre ensemble de deux cinéastes,...