SULEIMAN ELIA (1960- )
La Palestine et le monde
Sa trilogie est réalisée dans et autour de sa ville natale, Nazareth. Dans Chronique d’une disparition, ES revient pour filmer l’acculturation des Palestiniens en terre « occupée ». Intervention divine, film dans lequel son personnage est amoureux d’une Palestinienne qui vit dans une autre ville, le montre se heurtant à l’absurdité des contrôles systématiques. Enfin, Le Temps qu’ilreste (2009), son film le plus politique, retrace le destin de sa famille de 1948 – lorsque son grand-père, maire de la ville, a dû céder celle-ci à l’armée israélienne – à 2009, où ES revient, dans la dernière partie, pour assister au décès de sa mère.
Elia Suleiman n’est pas ce qu’on peut appeler un « cinéaste engagé ». Il est davantage un témoin qui n’hésite guère à convoquer les formes du pastiche ou de la fable. Ainsi, devant la situation inextricable faite aux Palestiniens dans Interventiondivine, l’auteur transforme son héroïne en une sorte de ninja moyen-orientale qui décime une escouade militaire israélienne, une auréole divine l’entourant et la rendant invulnérable aux balles de ses adversaires.
Avec It Must Be Heaven (2019), Suleiman accomplitun « zoom arrière » qui le conduit de sa maison de Nazareth à Paris puis New York à la recherche de producteurs. Comme l’explique le cinéaste, le film « donne à voir des situations ordinaires de la vie quotidienne d’individus vivant à travers le monde dans un climat de tensions géopolitiques planétaires. La violence qui surgit en un point est tout à fait comparable à celle qui s’observe ailleurs ». Son personnage, mélange de Chaplin, Keaton et Tati par son aspect lunaire et peu loquace, dérive d’abord dans un Paris désert où des policiers accomplissent d’étranges chorégraphies. La ville est vide. Les individus croisés rappellent par leurs gestes loufoques l’atmosphère de Mon oncle de Jacques Tati (1958). À Paris, ES rencontre un producteur qui lui dit que son film n’est pas suffisamment palestinien, et qu’il pourrait se passer n’importe où. Aux États-Unis, il est convié à un colloque où on le présente comme le génie du cinéma palestinien tandis qu’une productrice refuse de le recevoir.
Elia Suleiman ne veut être le porte-parole d’aucun groupe ni d’aucun clan. À la fin de Chronique d’une disparition, on le voit invité à s’exprimer sur son cinéma. Il ne peut s’expliquer, car le micro grésille malgré les efforts répétés d’un technicien... Et, dans le court-métrage Irtebak, sketch du film collectif Chacun soncinéma (2006), le réalisateur n’a pas le temps de prendre la parole car il doit sortir pour déplacer sa voiture... Si les films d’Elia Suleiman ne sont pas militants, ils demeurent éminemment politiques.
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Écrit par
- Raphaël BASSAN : critique et historien de cinéma
Classification
Média
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...cycle de Wadiqui assemble des images tournées en 1981, 1991 et 2001. En 1997, Guerre et paix à Vesoul, qu'il a coréalisé avec le Palestinien Elia Suleiman, est à la fois un regard sarcastique porté sur un festival provincial et une méditation sur l'identité et le vivre ensemble de deux cinéastes,...