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FINBERT ELIAN J. (1899-1977)

Rançon des auteurs qui ont brillé dans une spécialité : le reste de leur œuvre est occulté. Elian J. Finbert, malgré la variété de son registre, ne peut se défaire de l'étiquette d'écrivain animalier. Il est vrai que, de 1953 à 1964, ses émissions « Les Plus Belles Histoires de bêtes », qui fourniront la matière d'au moins six volumes, et « À l'écoute de la nature » lui avaient valu la notoriété. Il n'est pas moins vrai que l'animal a été en bonne partie le compagnon, dans sa vie aventureuse, de cet « homme de plein vent », comme il se qualifiait lui-même.

Né à Jaffa, il a emmené l'eau, le sable et la lumière de son Proche-Orient en Europe, où, après une enfance passée en Égypte, il est venu terminer ses études et où il engrangera, un peu plus tard, la moisson d'une déjà riche expérience. Mobilisé sur le canal de Suez, dans l'armée britannique, à la fin de la Première Guerre mondiale, il a été chamelier dans le désert, a sillonné le Néguev et le Sinaï et, lorsqu'il a dû livrer son troupeau à un officier anglais, c'est en face du colonel Lawrence qu'il s'est trouvé : à Akaba, sur la mer Rouge. Il le reverra lors de l'entrée des troupes alliées à Jérusalem. En 1920-1921, il cingle vers le Soudan à la barre d'un voilier « à la proue recourbée, où riait une sirène sculptée », ce qui nous vaudra, en 1928, Le Batelier du Nil, puis, l'année suivante, Hussein, repris sous le titre de Tempête sur l'Orient. Cette évocation romanesque de la révolution égyptienne (avortée) de 1921, violent réquisitoire contre les Anglais, incitera Grasset à rééditer l'ouvrage sous l'Occupation, contre le gré de l'auteur.

Quand paraissent ces livres, Finbert a déjà dit adieu à l'Orient et découvert avec délices la province française (Un homme vient de l'Orient, 1930, rompt les amarres). À Paris, il fait une plongée dans les bas-fonds des clochards, si toutefois Le Destin difficile (1937) comporte une part d'autobiographie. Mais il est désormais homme de lettres. Le Fou de Dieu obtient le prix de la Renaissance 1933. En 1936, il crée et dirige la collection Scènes de la vie des bêtes. Et la guerre survient. L'arrivée des nazis l'oblige à se cacher. Au Larzac, il découvre une école saisonnière de bergers. Muni de son brevet, le voici, de 1941 à 1944, berger transhumant dans les Alpes – et militant dans les rangs de la Résistance. Il en tirera son livre majeur, Hautes Terres (1948). Dans une large évocation de la vie rude et exaltante des alpages, c'est une sorte de communion de l'homme et des animaux, et le récit est entrecoupé d'une méditation baignant dans la féerie et la solitude du monde. Les bêtes sont revenues par la force des circonstances – même de loin, dans le temps et l'espace, comme la pure idylle, « une passion dans le désert » palestinien, d'un soldat et d'une gazelle. Ce bestiaire, amplement développé, lui attire de Colette cette dédicace : « Elian Finbert, de qui je suis bien jalouse parce qu'il sait mieux que moi parler aux bêtes. »

Français d'élection, c'est pourtant en Israël que sont restées ses racines. Il n'a jamais renié le judaïsme et sa fondamentale leçon d'humanisme. C'est lui qui rédige le Guide bleu du nouvel État. Pionniers d'Israël (1956) conte l'existence des kibboutzim. Mais la mort ne lui a pas permis de mener à bien le grand livre dont il rêvait, pour lequel il avait accumulé une immense documentation puisée sur place. Il y eût sans doute marié son lyrisme à un talent de conteur intarissable.

— Jean-Marie DUNOYER

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  • PASTORALE, genre littéraire

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    ...prison par deux fois ? Pour une fois, la pastorale au sens littéraire coïncide avec la pastorale au sens épiscopal. Berger lui-même sous l'Occupation, Elian J. Finbert, juif égyptien de langue française, ami des chameaux, épris de sagesse malgache, a transposé son expérience dans un long roman pastoral,...