FAURE ÉLIE (1873-1937)
Élie Faure est souvent cité par son public et ses confrères comme le fondateur de la critique d'art en France. On aime à le comparer à la fois à Baudelaire et à Malraux. N'a-t-il pas, en effet, prolongé le discours poétique sur l'art et jeté, le premier, un regard sur toutes les formes plastiques en bannissant les frontières historiques et géographiques ?
L'œuvre d'Élie Faure est surtout un discours où tout se mêle pour parler de l'art, « l'esprit critique est devenu poète universel », dans un langage d'analogies et de métaphores qui brise les frontières des siècles et des cultures. Il occupe une place prépondérante dans un genre qui, en France, se substitue parfois à l'histoire méthodique de l'art ; il plaît (les tirages actuels de ses ouvrages le prouvent) à un public plus préparé aux commentaires littéraire et poétique de l'art qu'à une réflexion scientifique.
Une histoire « organique » de l'art
Élie Faure est né à Sainte-Foy-la-Grande, en Gironde, en 1873. Il a été élève de Bergson au lycée Henri-IV. Il est médecin en 1899, mais cette profession ne sera pour lui qu'une garantie financière ; il se mêle à la vie politique et artistique et devient critique d'art en 1902. Dans le cadre des universités populaires, il professe un cours d'histoire de l'art qui sera la base de son œuvre écrite. Après la guerre de 1914, il se consacre à l'écriture et à une activité politique dont le point culminant est son appui aux républicains espagnols. Il meurt à Paris.
L'œuvre d'Élie Faure englobe les divers domaines des arts plastiques de tous les pays et de toutes les époques : peinture, sculpture, architecture et, à un moindre degré, la danse, la musique et le cinéma. Dans quel genre ranger cette activité de trente années ?
Si l'on s'en tient à la classification admise en France depuis le xixe siècle, on dira qu'Élie Faure a été surtout critique d'art. Il est vrai qu'il collabore à L'Aurore, où il exerce son talent de « journaliste spécialisé dans la vie artistique ». Là, il peut commenter, juger, apprécier les expositions antérieures à la guerre de 1914. Mais cette activité, soumise à l'urgence quotidienne, le caractériserait mal : son dessein est plus profond et plus ambitieux. De la critique d'art, il conserve l'attention à la nouveauté et la rapidité du jugement : il saisira tout de suite le rôle de l'art nègre ou la portée du cinéma. Sa véritable entreprise, c'est un regard sur toute l'histoire de l'art, de la préhistoire à ses manifestations contemporaines. Entreprise absolument nouvelle en France, où la critique n'avait jamais tenté de se mesurer à des domaines qui semblaient réservés aux historiens d'art allemands. Car cette tradition est absolument ignorée au moment où l'on vient de créer les premières chaires d'histoire de l'art, discipline que l'Université française accepte mal alors que la critique d'art jouit, depuis Baudelaire, d'un grand prestige auprès du public des amateurs.
Pour Élie Faure, l'art n'est pas autonome, il n'est pas une activité spécifique où l'homme serait à l'abri des pressions de son milieu ou de son climat ; il se définit, au contraire, comme le lieu où se mêlent toutes les tendances de la vie physiologique, individuelle et sociale. En ce sens, l'art est la vie ou, plus exactement, un phénomène doué de toutes les propriétés que la biologie du xixe siècle a découvertes dans la chaîne des êtres vivants. Ainsi l'objet d'art est un organisme qui naît, s'adapte, se transforme, mais ne meurt pas : le lecteur attentif de L'Esprit des formes pourra observer l'accumulation des formules empruntées à Lamarck ou à Auguste Comte. Ces procédés[...]
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Écrit par
- Henri PERETZ : maître de conférences de sociologie à l'université de Paris-VIII
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